Le Ghana se tourne vers l’espace. Il faut un droit qui y corresponde.

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Space law is a growing and important discipline. piick/Shutterstock 

Exclusive translation in french with the kind permission of the author  Julia Selman Ayetey, McGill University
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Les progrès rapides de la technologie spatiale montrent que l’espace n’est plus le seul paradis des observateurs d’étoiles.

Les avantages socio-économiques possibles de l’utilisation de la recherche et de la technologie spatiale sont infinis. Par exemple, les images satellites peuvent être utilisées à des fins agricoles, pour aider à prévoir les pénuries alimentaires et les récoltes excédentaires. Elle peuvent également être utilisées pour prévoir et surveiller les catastrophes naturelles telles que les inondations, les tremblements de terre et les incendies de forêt. Les plate-formes de télémédecine, qui reposent également sur des satellites émettant depuis l’espace, peuvent considérablement améliorer la fourniture de services de santé dans les zones reculées.

Les pays africains en sont de plus en plus conscients, ainsi que des autres possibilités. Selon Euroconsult, les budgets alloués au spatial de seulement cinq pays africains se sont élevés à plus de 900 millions de dollars (USD) entre 2009 et 2012 et le secteur spatial en évolution du continent se chiffrerait à 400 milliards USD aujourd’hui.

En 2014, l’Algérie, le Nigeria et l’Afrique du Sud ont consacré à eux trois plus de 140 millions de dollars USD à des programmes spatiaux non militaires. L’Angola, l’Égypte, l’Éthiopie et le Kenya ont également élargi leur programme spatial.

Le Ghana tente de rattraper son retard. L’Institut des sciences et technologies spatiales du Ghana a été créé pour former des spécialistes dans ces domaines et passer de la recherche spatiale aux applications commerciales. Le gouvernement a proposé d’accueillir la future agence spatiale de l’Union africaine. Il participe également au projet de radiotélescope Square Kilometer Array (SKA, « Réseau d’un kilomètre carré »). Une percée importante est survenue en juillet 2017 lorsque, dans le cadre du projet satellite Bird, trois étudiants en ingénierie de la « All Nations University » ont construit et lancé avec succès le premier satellite du Ghana, le GhanaSat-1, depuis le centre spatial Kennedy en Floride.

Mais si les pays d’Afrique de l’Ouest veulent exploiter pleinement les avantages de la technologie spatiale et créer un secteur spatial lucratif, que ce soit dans un crédeau spécifique ou pour marché de grande envergure, il leur faudra mettre en place des politiques et des structures appropriées. Il faudra aussi une législation et des réglementations spatiales.

Droit de l’espace pour le Ghana

En établissant un droit de l’espace, le Ghana s’inscrirait dans une démarche internationale. Plus de 25 pays ont adopté de telles lois. Les puissances spatiales que sont la Russie et les États-Unis en font partie, mais il en va de même pour de plus petits États tels que l’Argentine, le Kazakhstan, l’Indonésie et l’Iran.

Plus près de chez nous, l’Égypte, le Nigeria et l’Afrique du Sud ont déjà un droit de l’espace. D’autres nations du continent suivront sans aucun doute.

Un droit de l’espace au niveau national garantirait que les activités spatiales lancées dans la juridiction du Ghana – que ce soit sur terre, sur des navires ou des avions – et peut-être même à l’étranger par ses sociétés enregistrées ou nationales, soient correctement réglementées.

Ces lois peuvent régir une multitude d’entreprises liées à l’espace. Celles-ci comprennent les lancements ; la télédétection et la protection des données spatiales ; l’aéronautique ; le développement de fusées et de satellites, le tourisme spatial et l’exploitation minière dans l’espace.

Bien entendu, la complexité des activités spatiales, conjuguée à la rapidité avec laquelle la technologie évolue, fait qu’il est peu probable que le droit de l’espace du pays couvre toutes les éventualités. Ils offre cependant un certain degré de certitude au public, aux investisseurs et aux tribunaux en cas de litige.

Le droit de l’espace facilite également le respect des obligations mondiales. L’article 6 du Traité sur l’espace extra-atmosphérique, par exemple, exige que toutes les activités spatiales soient autorisées et supervisées en permanence par l’État. Le droit de l’espace qui exige l’octroi de licences pour les activités spatiales favorise l’adhésion au Traité.

L’article 7 rend les États responsables des dommages causés par des objets spatiaux sous sa juridiction, y compris ceux appartenant à des entités commerciales privées. Le droit de l’espace peut être essentiel pour limiter la responsabilité d’un État en prévoyant des indemnités.

Le Ghana a signé le Traité sur l’espace extra-atmosphérique. La prochaine étape sera pour le gouvernement de le ratifier, puis d’établir un cadre législatif pour les activités spatiales.

Faire du droit de l’espace au Ghana

Il y a environ une demi-décennie, l’Association de droit international a publié les lignes de conduite de Sofia pour une loi type sur la législation du secteur spatial au niveau national. Peu de temps après, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution intitulée « Recommandations sur la législation nationale relative à l’exploration et à l’utilisation pacifiques de l’espace extra-atmosphérique ». Ces documents contiennent des éléments jugés essentiels pour le droit de l’espace de tout pays.

Comme d’autres pays avant lui, le Ghana peut se référer à la loi type et aux recommandations de l’ONU lors de la rédaction de son droit de l’espace. Cela peut alors être adapté aux besoins propres des pays.

La rédaction d’une telle législation nécessite un exercice d’équilibre, prenant en compte les intérêts des différentes parties prenantes et respectant les obligations internationales du Ghana.

Si les lois sont trop restrictives, les investisseurs mettront leur argent ailleurs. Par exemple, un pays dont le régime de licences pour les entreprises spatiales commerciales privées est perçu comme trop onéreux sera sujet à la perte d’investissements étrangers par rapport à un pays dont le droit de l’espace est perçu comme plus favorable. D’autre part, la sécurité, les préoccupations environnementales et la possibilité de demander des dommages-intérêts pour des dommages à des personnes ou à des biens peuvent être compromises par des lois trop libérales.

Conscience du droit de l’espace

L’Union africaine a identifié le besoin de développer le capital humain nécessaire pour développer le marché spatial africain.

Les discussions sur le renforcement des capacités spatiales ont eu tendance à mettre l’accent sur la valeur des ingénieurs aérospatiaux, des astrophysiciens et d’autres experts techniques. Tous ces professionnels sont en effet essentiels pour créer un secteur spatial.

Toutefois, la nécessité pour les conseillers politiques, les avocats du secteur public et les entrepreneurs de l’espace de connaître les droits et obligations découlant du droit de l’espace national et international a souvent été négligée.

Afin de contribuer à cet aspect des ressources humaines requises, le Ghana pourrait envisager d’introduire des cours de droit de l’espace dans ses universités. Au moins trois autres institutions sur le continent, l’université du Kenya de Nairobi, l’université du Delta du Niger au Nigeria et l’université de Pretoria en Afrique du Sud, l’ont déjà fait. The Conversation

Julia Selman Ayetey, Doctoral Candidate, Institute of Air & Space Law, McGill University

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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