Le débat sur la remise en eau du Lac Tchad relancé

Par Solidarité et Progrès

 

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Le message du Dr. Marcello Vichi, un des auteurs du projet italien Transaqua, a été lu par le rédacteur d’Executive Intelligence Review (EIR) pour l’Afrique, Larry Freeman (troisième à partir de la gauche, première rangée), qui a été nommé membre du Comité consultatif scientifique international (au complet sur cette photo).
Crédit : CBLT

Depuis longtemps, deux visions du monde s’affrontent : préserver la nature telle qu’elle est ou sauver l’homme et son droit à l’entière croissance. L’assèchement du lac Tchad se poursuit depuis 40 ans, engendrant pauvreté, famine et maladies, et à son rythme actuel, le lac disparaîtra d’ici 20 ans, menaçant la survie de plus de 30 millions de personnes. Mais le lobby écologiste anti-humain mené par le WWF du Prince Philip d’Edimbourg s’oppose activement à tout grand projet de transfert d’eau pour revitaliser le lac, se posant ainsi en grand promoteur du désert.

Il y a quelques jours, après deux journées de délibération sur les futurs plans de laCommission du bassin du lac Tchad (CBLT), deux représentants de la revueExecutive Intelligence Review (EIR), accompagnés d’un géologue qui a travaillé pour la CBLT depuis 2004, ont pu se rendre dans la partie sud du Lac Tchad.

La délégation a pu se rendre sur l’île de Kinasorum, un petit village de pêcheurs de 3300 habitants, puis visiter l’endroit où la rivière Chari se jette dans le lac. Il s’agissait avant tout de mieux comprendre l’histoire du lac ainsi que les méthodes utilisées pour mesurer l’évolution de sa superficie.

La fin de la saison des pluies et les inondations de 2012 font en sorte que le niveau actuel du lac est le plus élevé dans la période récente, soit 4500 km², en nette progression par rapport aux 2000 km² mesurés précédemment. Les mesures de la superficie du lac sont effectuées en collaboration avec le satellite Midas de la NASA, qui fournit des images du bassin avec une résolution de 250 km, 4 fois par jour, et deux instituts allemands, le GIZ-Deutsche Gesellschaft Fur Internationale Zusammenarbeit, et l’Institut allemand pour les géosciences.

Même si l’on fait mention à l’occasion le changement climatique, presque tous les membres de la CBLT sont convaincus qu’un compréhension approfondie des aquifères environnantes et de leur évolution est nécessaire pour rendre compte du processus de rétrécissement du lac au cours des dernières décennies.

La vie autour du lac est précaire. 58 000 habitants dans cette région du sud du lac, en majorité des Tchadiens et des Nigériens, se déplacent d’île en île pour acheter et vendre les produits nécessaires à leur survie quotidienne, et obtenir une éducation limitée pour leurs enfants. Ils utilisent pour cela de longs canoës motorisés. Plus de 40 millions d’Africains vivent sur le pourtour du lac ou dans ses environs immédiats, et les conditions de vie difficiles qui dominent dans la région montrent à quel point un ambitieux programme de développement comme le projet Transaqua est nécessaire.

Dans un message adressé aux participants de la première rencontre du Comité consultatif scientifique international (CCSI) auprès de la Commission du bassin du lac Tchad (voir encadré ci-dessous), un des auteurs historiques du projet Transaqua, le Dr Marcello Vichi, a ironiquement appelé les dirigeants africains à s’accorder un moment d’utopie, de mégalomanie même, en rappelant l’exemple historique du Canal de Suez et à la possibilité qu’ouvrirait Transaqua pour exploiter les ressources de la région au plus grand bénéfice de tous.

Son message a été lu par le rédacteur d’EIR pour l’Afrique, Larry Freeman, qui vient d’être désigné membre du Comité consultatif scientifique international.

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Via un canal de 2400km, le projet Transaqua transfèrera 100 milliards de mètres cubes annuellement depuis une dizaine d’affluents du Congo.

Jouez la carte de l’utopie !

Message de Marcello Vichi à l’attention des membres du Comité consultatif scientifique international du Commission du bassin du lac Tchad (CBLT)

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Marcello Vichi
Crédit : Schiller Institute

Mesdames et Messieurs,

Veuillez accepter les salutations les plus cordiales de quelqu’un qui a essayé, depuis plus de 30 ans, de promouvoirTRANSAQUA auprès des pays africains impliqués dans l’initiative « une idée pour le Sahel ».

J’ai été chargé par l’administrateur délégué de Bonifica (une société d’ingénierie italienne du groupe IRI-Italstat) de vérifier, à titre préalable, la possibilité de construire un nouveau« Nil artificiel » capable de transférer des kilomètres cubes d’eau du bassin du fleuve Congo (à l’époque appelé Zaïre) jusqu’au Tchad, pour sauver ce Lac qui risquait de disparaître.

La première analyse cartographique et les études hydrauliques théoriques confirmèrent l’hypothèse qu’il serait possible d’intercepter, dans les hauts bassins du nord-est où prennent naissance les affluents du fleuve Congo, quelque 100 millions de kilomètres cubes d’eau pour les acheminer vers le Lac Tchad, grâce à la construction d’un canal d’une longueur de 2400 km approximativement, sans aucun moyen de pompage, en utilisant la seule gravité.

Le groupe d’experts était convaincu que le « démarrage » économique du continent africain n’aurait jamais lieu si on se limitait à la construction d’un grand nombre de petits projets, ayant une importance politique, mais limités presque exclusivement à la survie.

En prélevant 100 millions de kilomètres cubes d’eau sur les quelque 1500 millions se déversant chaque année en moyenne par le fleuve Congo dans l’océan Atlantique, nous pensions compenser une « injustice » de la nature, qui condamnait une partie du Sahel à une lente et progressive sécheresse alors qu’elle permettait l’un des plus grands gaspillages d’eau douce de ce monde.

Finalement, nous pensions que la création de plus de 2000 kilomètres de voies navigables sud-nord au cœur du continent, ainsi que d’un « pivot » industriel en République Centrafricaine et d’une possible liaison autoroutière est-ouest entre les ports océaniques de Lagos et de Mombasa, plus une importante production d’électricité pour un usage local, étaient tous des éléments dignes d’être au moins envisagés.

Mais cela n’est pas arrivé.

Pourquoi ? Parce que les pays africains directement concernés ne croyaient pas complètement à cette « idée », et n’ont pas fait ce qu’il fallait pour obtenir le soutien financier nécessaire de la part des organismes internationaux, afin de vérifier la faisabilité technique, économique, politico-sociale et environnementale de cette initiative. Il ne s’agissait pas d’endosser le projet a priori, mais seulement d’évaluer sa faisabilité. En dépit de l’absence d’une telle étude, dont le coût avec les méthodes modernes était tout-à-fait raisonnable, le projet a été dénoncé comme étant mégalomane, pharaonique, utopique.

Chers participants, ne permettez que votre initiative se transforme en une autre occasion manquée. Jouez la carte de l’utopie car les projets « utopiques » (le Canal de Suez était en son temps pas moins utopique que Transaqua) sont à présent indispensables pour le continent si l’Afrique équatoriale souhaite vraiment se libérer du fardeau de l’indigence endémique et ne veut pas perdre la course au développement mondial que d’autres continents ont démarré il y a un certain temps. Certains viennent acheter vos ressources, celles que vous n’avez pas réussi à exploiter à votre bénéfice. Concédez-vous un peu de mégalomanie ! Faites-le dans l’intérêt des prochaines générations.

Que faire ?

Je crois que malheureusement, mais aussi heureusement, la finance fait bouger le monde. Les grandes multinationales sont toujours prêtes à « coopérer » lorsqu’il y a des bonnes affaires en vue. Une façon d’aborder le sujet serait, si vous me permettez de faire une suggestion, de créer un consortium ad hoc d’États souverains intéressés et souhaitant évaluer la possibilité de Transaqua (Tchad, Niger, Nigeria, Cameroun, République Centrafricaine, et tous ceux qui souhaitent y adhérer) et de s’adresser en tant que partenaire à un consortium d’entreprises multinationales (européennes, chinoises, indiennes, américaines, japonaises, etc.), parmi les mieux connues dans le monde, pour la construction de grands projets en Afrique. Ces deux consortiums, unis dans un sorte d’Entreprise mixte d’Etats africains/Entreprises multinationales étrangères, pourraient réunir les ressources économiques pour promouvoir une étude de faisabilité et ensuite, en cas de résultat positif, pour la mise en œuvre de projets préliminaires, puis de projets exécutifs et, en conclusion, un calendrier de réalisation des travaux. Il serait fondamental de s’assurer du partage clair des devoirs et des responsabilités parmi les partenaires fondateurs de cette Entreprise mixte, afin de garantir réciproquement les activités de réalisation et de gestion à venir pour au moins les 20 prochaines années.

Je me rends bien compte que l’approche n’est ni simple, ni facile, mais les problèmes du Continent ne sont ni simples, ni faciles. A mon avis cela vaut le coup d’essayer.

Merci.

Marcello Vichi
Rome 13 novembre 2014

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