Aidons l’Afrique à lutter contre la « croissance »

Sébastien Périmony

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La déstabilisation de l’Afrique du Nord et le rejet par l’UE du projet pour revitaliser le lac Tchad nous ont amené à nous poser cette question : « Mais alors, tous ces Africains prêts à mourir au large de Lampedusa pour entrer en Europe, seraient-ils trop imbéciles pour tirer parti de la croissance africaine que l’on nous vante partout ? »

Il est comique de considérer ce que l’on entend aujourd’hui par croissance et d’entendre M. Moscovici se réjouir que « l’Insee prévoit + 0,2 % de croissance en France, ce qui va au-delà de notre prévision de + 0,1 %, qui était délibérément prudente. » Drôle de notion de la croissance pour ceux qui, toujours plus nombreux, ont recours chaque hiver aux Restos du cœur. En France, on recense presque 9 millions de personnes (14 %) qui vivent en dessous du seuil de pauvreté.

Ce « mythe de la croissance » révèle la face sombre d’un fascisme financier de plus en plus décomplexé. Plus vous travaillez et moins vous êtes payé, et plus il y a de croissance. Plus vous partez tard à la retraite et moins longtemps vous vivez, et plus il y a de croissance. Plus d’austérité, plus de sacrifices, plus de suicidés, et plus il y a de croissance. Enfin, plus vous payez d’impôts et plus il y a de croissance.

Ce mythe de la croissance s’applique également à l’Afrique, continent que l’on essaie de présenter comme l’Eldorado du XXIe siècle, la « nouvelle Asie ».

Le mythe de la « croissance »

Pour commencer, quelques chiffres que vous trouverez partout dans la presse occidentale, dans les rapports du FMI et de la Banque mondiale, dans les études faites par la très philanthropique banque Goldman Sachs, dans le très célèbre cabinet spécialisé en audit et conseil Ernst & Young ou encore à l’Institut international de la finance (IIF).

Selon le FMI, dans les prochaines années, sept pays africains seraient parmi les pays ayant la plus forte croissance dans le monde : Ethiopie, Mozambique, Tanzanie, Congo, Ghana, Zambie et Nigéria. On leur attribue de 6 à 8 % de croissance, et 4,5 % pour le reste de l’Afrique subsaharienne. On nous annonce que d’ici à 2015, le nombre d’Africains vivant avec plus de 200 euros par mois passera de 65 millions à 100 millions. Rappelons toutefois que l’Afrique a plus d’un milliard d’habitants !

Le PIB pourrait atteindre 2000 milliards d’ici à 2020 (équivalant approximativement au PIB de la France). Selon la Banque mondiale, les investissements en Afrique sont passés de 8 à 48 milliards de dollars entre 2011 et 2012.

Derrière ce miroir aux alouettes se cache pourtant une triste réalité. Selon la FAO (organisation de l’ONU pour l’alimentation et l’agriculture), en Afrique ce sont plus de 220 millions de personnes qui sont affamées de façon chronique, sur une population de plus de 1 milliard. 60 % de la population a moins de 30 ans (200 millions de jeunes entre 15 et 24 ans), mais elle est très peu ou très mal alphabétisée, et le chômage des jeunes s’élève à plus de 60 %. L’espérance de vie n’est toujours que de 56 ans en moyenne sur le continent et le taux de mortalité infantile reste très élevé. Comment ? Grâce à la croissance, pardi !

La croissance est en effet purement financière et aucunement physique. Comme l’a relevé l’étude d’Afrobaromètre : « Soit la croissance économique n’est pas retombée sur les citoyens ordinaires pour se traduire par une réduction de la pauvreté (…) soit il y a lieu de se demander si les taux de croissance rapportés sont effectivement réalisés. » Les Africains manquant toujours d’eau, de nourriture et de soins, le rapport conclut ironiquement que plutôt que de se focaliser sur la croissance, les gouvernements feraient mieux de s’employer à réduire la pauvreté, car « les investissements dans l’éducation et les infrastructures peuvent être l’un des moyens les plus efficaces pour que les gains économiques atteignent les citoyens les plus pauvres du continent ».

En réalité, comme le rapportent la Banque africaine de développement (BAD) et l’ONG Global Finance Integrity, en vingt ans, quelque 1400 milliards de dollars de capitaux illicites se sont envolés de l’Afrique vers les autres pays du monde, en particulier l’Europe et les Etats-Unis. Ce qui tend à prouver que l’Afrique est bien plus « généreuse » avec le reste du monde que l’inverse. Tout ceci, évidemment orchestré par le système des paradis fiscaux de la City de Londres.

L’accaparement des terres arables

Et le pillage continue avec l’accaparement des terres africaines par les multinationales et les fonds spéculatifs, qui a pris un essor considérable. Ce sont aujourd’hui des groupes français comme Louis-Dreyfus ou Bolloré qui sont à la tête de ces expropriations. On parle de plus de 80 millions d’hectares achetés dans les pays pauvres, dont la moitié en Afrique, ce qui représente environ trois fois la surface agricole de la France. Le groupe Bolloré, qui possède déjà des milliers d’hectares de forêt, des lignes de chemin fer, des ports (dont celui d’Abidjan) qui ont été privatisés à la demande du FMI, s’engage également dans l’accaparement des terres pour la culture d’huile de palme ou d’hévéas. Le Mozambique, à lui seul, a concédé aux investisseurs privés 7 % de ses terres arables, dont, comble du comble dans un pays où les gens meurent encore de faim, une partie est utilisée pour la production d’agrocarburant ! Encore de la croissance pour l’Afrique ?

La guerre du coltan

La République démocratique du Congo (RDC) est devenue « un enfer en plein cœur du paradis ». Pourquoi ? Parce que c’est le pays le plus riche d’Afrique… riche en diamants, cobalt, or, coltan, cuivre. Ces matières premières sont utilisées chez nous pour l’industrie automobile, l’aérospatial, l’électronique, la joaillerie, etc.

Incapable, en 1994, d’arrêter le génocide au Rwanda, qui a coûté la vie à 800 000 personnes en trois mois, la « communauté internationale » a ensuite fermé les yeux lorsque Paul Kagame et son allié Yoweri Museveni, président de l’Ouganda, ont envahi l’est du Congo. L’objectif : en faire une zone de non droit, où les milices armées du Rwanda et de l’Ouganda raseraient les villages, d’où émergeraient ensuite des mines d’extraction de matières premières en tout genre, qui seraient ensuite exportées pour les cartels occidentaux à des prix très bas. On dit qu’au génocide des « tutsis » a succédé celui des « hutus » à l’est de la RDC. C’est faux ! Comme le dit un intellectuel kényan : « Il n’y a que trois tribus en Afrique, les pauvres, les riches et les entreprises occidentales ! »

Le commerce illicite du coltan congolais a rapporté au Rwanda environ 250 millions de dollars américains de 1998 à 2000, alors même que le Rwanda ne possède pas de coltan sur son sol !

(Sur ce sujet, le documentaire « Du sang dans nos portables » est disponible sur internet.)

Ainsi, depuis 1996, avec le soutien des Etats-Unis, du Royaume-Uni et de la France, le Rwanda, l’Ouganda et le président de la RDC, Joseph Kabila, sont responsables d’un nouvel holocauste qui a coûté la vie à plus de 5 millions de personnes et du viol de centaines de milliers de femmes. Sans jamais inquiéter pour autant le Conseil de sécurité de l’ONU…

********************************************** >>>  FUTUR

On parle toujours des sept plaies de l’Afrique, nous proposons donc ici sept grands projets pour sortir l’Afrique de l’âge des ténèbres.

Transaqua : projet pour aménager le bassin du Congo et revitaliser le lac Tchad, qui est en train de mourir. 100 milliards de m3 d’eau seront transférés vers le lac, via un canal de 2400 km, le long duquel de grandes surfaces agricoles pour les cultures vivrières seront développées.

Projet Roudaire : créer une mer intérieure au sud de l’Algérie et de la Tunisie, en utilisant la technologie du dessalement de l’eau de mer pour remplir les chotts et développer une nouvelle région industrielle.

–  Projet LUMUMBA 2050 : Ensemble de projets infrastructurels (trains, barrages, électricité, etc.. ) pour sortir la RDC de l’âge des ténèbres

Muraille verte : pour arrêter la désertification qui progresse en plantant des arbres de Dakar à Djibouti, sur 7000 km de long et 15 km de large.

Africarail : programme d’interconnexion ferroviaire de 1300 km, reliant le Niger, le Burkina Faso, le Togo et le Bénin, afin de désenclaver la région en favorisant le commerce entre ces pays.

Système Faguibine : aménagement des cinq lacs au nord du Mali, permettant de créer près d’un million d’hectares de terres cultivables et faire du Mali le « grenier à riz » de l’Afrique de l’Ouest.

– Le canal de Jongleï : Construction d’un canal de 360 km (abandonné à cause des guerres au Soudan) pour supprimer les marais et les moustiques et permettre la culture des terres arables.

Des barrages hydroélectriques : Le grand barrage d’Inga en RDC, ou seulement 7% de la population ont accès à l’électricité. Des barrages le long du Transaqua pourraient également fournir 35 000 mégawatts pour la Centrafrique, aujourd’hui dans le chaos.

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