DÉCLARATION DE LA CAMPAGNE CHEMINADE 2017

Pour libérer l’Afrique de la dette et du pillage financier

 

Résoudre le problème de l’Afrique implique d’abord de jeter la Françafrique à la rivière, avec ses mallettes, ses valises et ses barbouzards. L’Afrique doit se doter des moyens de son propre développement et de son indépendance réelle, de manière à ce que le capital humain puisse y rester. L’Afrique doit promouvoir l’équipement infrastructurel et social en organisant dans chaque pays un vecteur scientifique « tirant » son économie vers l’avant. C’était le rêve d’un Cheikh Anta Diop, d’un Lumumba, d’un Nkrumah, d’un Thomas Sankara : il est temps de le réaliser.

La dynamique mondiale de développement mutuel autour de la Nouvelle route de la soie, de coopération « win-win » initiée par les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) et déjà bien entamée en Afrique, est une occasion, historique pour l’Afrique et la France, de redéfinir leur relation historique en reconnaissant que l’Afrique est non seulement bel et bien entrée dans l’Histoire, mais qu’elle est le berceau de l’humanité. La colonisation et la traite négrière ont mis fin à son développement naturel. Il faut aujourd’hui que le monde voie l’Afrique avec les yeux du futur.

 

Pour cela :

1) L’Etat français doit donner le signal du changement en créant un grand ministère de la Coopération, du Co-développement et de l’Immigration, pour réunir les deux aspects intégrés d’une même politique : l’impératif de développement des pays d’origine et celui d’une gestion juste et prospective de l’immigration.

2) Les dettes odieuses, contractées par les dictateurs passés et présents doivent être purement et simplement abolies. L’affaire dite des « biens mal acquis » a dévoilé l’ampleur des détournements d’argent public à des fins personnelles. Des associations comme le CADTM (comité d’annulation de la dette du tiers monde), Survie ou la Ligue panafricaine UMOJA en France ont publié d’excellents documents sur le sujet, ouvrant la porte à la création de commissions d’enquête parlementaire pour mettre fin à ce système comprador. L’Afrique doit se libérer des programmes d’ajustements structurels du FMI et rejeter les accords de partenariat économique (APE) de l’Union européenne, qui entravent le développement des industries naissantes africaines.

3) Ensuite, permettre la mise en route de grands projets d’infrastructure à une échelle panafricaine. La revivification du lac Tchad, pour créer un poumon d’eau et de développement au centre du continent, est une nécessité absolue, de même que la construction du canal de Jonglei au Soudan, la plantation d’une ceinture verte transversale dans le centre de l’Afrique et la remise en eau des chotts algériens et tunisiens. En même temps, il faut permettre de créer des chemins de fer et des transports à grande vitesse en général, intérieur-intérieur et côte-côte. Il s’agit de sortir du modèle quasi unique intérieur-côte, organisé le plus souvent, hier comme aujourd’hui, pour le pillage de matières premières. L’on pourra ainsi réunifier les marchés entre régions intérieures, en mettant l’accent pour commencer sur la consommation locale de cultures vivrières. La production de riz, de manioc et de sorgho doivent être les priorités économiques et politiques pour libérer l’alimentation populaire de toute dépendance.

4) Le Franc CFA : comme le soulignait en 1979, l’économiste camerounais Joseph Tchundjiang Pouemi : « La France est (…) le seul pays au monde à avoir réussi l’extraordinaire exploit de faire circuler sa monnaie, et rien que sa monnaie, dans des pays politiquement libres. ». L’oligarchie européenne, par l’euro, contrôle de fait les politique monétaires africaines. C’est pourquoi nous proposons de sortir de l’Euro en France et de contribuer à moyen terme à mettre en place des monnaies nationales associées à des banques de crédit public productif, dans les pays de la zone CFA, en suivant l’exemple de ce qu’avait fait Modibo Keïta au Mali en juin 1962.

5) Il faut mettre immédiatement fin à l’impunité des gros cartels internationaux qui pillent les matières premières dans des pays désorganisés et en guerre comme la Centrafrique, la République Démocratique du Congo et autres. On estime à 1400 milliards de dollars, en 30 ans, la fuite des capitaux depuis le continent africain.

6) Mettre fin au génocide en République démocratique du Congo qui a déjà causé la mort de 6 millions de personnes. Dans ce pays où le viol est devenu une arme de guerre, il faut dénoncer haut et fort comme coupables de crime contre l’humanité les cartels et les pays qui soutiennent de près comme de loin les intérêts de ceux qui massacrent. Et soutenir les initiatives humanitaires et celle des personnalités comme « l’homme qui répare les femmes », le Dr Mukwege.

L’Afrique doit s’inventer un futur libre, qui s’oppose au monde de la domination par l’argent, pour celui du travail humain et du progrès. Et comme il est de notre devoir de nous libérer de ces mêmes intérêts financiers qui nous vassalisent, il est de notre devoir de l’y aider, dans les termes du droit international, du respect de l’intégrité des nations et des souverainetés, dans la droite ligne du Traité de Westphalie ayant établi le principe de l’avantage d’autrui.

 

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