Non, Transaqua ne volera pas les eaux aux Congolais!

(( Réponse de Mr Jacques Cheminade suite à l’article de Mr Sinaseli Tshibwabwa concernant le projet Transaqua disponible ici :  https://desc-wondo.org/fr/apres-le-pillage-des-minerais-bientot-le-pillage-de-leau-douce-de-la-rdc-or-bleu-de-ce-siecle-s-tshibwabwa/  ))

 

A M. Sinaseli TSHIBWABWA

Cher Monsieur

Je réponds par la présente à votre message du 15 août qui m’est parvenu via Internet. Je le fais sans préjuger de vos intentions, en m’en tenant au sujet même qui est en cause, contrairement à vous-même qui prêtez à moi-même et à mes amis des vues qui n’ont rien à voir avec ce que je pense et ce que je suis et que je trouve bien entendu inacceptables.

Sans entrer dans le fond du débat, qui doit relever à la fois de patriotes africains réellement attachés à l’avenir de leurs peuples et d’experts sérieux, je vous fais part des points suivants, pour clarifier les choses :

  1. Le combat de toute ma vie a été celui de la justice sociale et du développement mutuel des peuples. Au nom de ces causes, cela fait plus de trente ans que je combats politiquement la mainmise du Fonds monétaire International et de ses complices financiers sur l’Afrique, la Françafrique et les cultes ou pseudo-religions irrationnels que l’on cherche à y répandre pour le bénéfice de ceux qui l’exploitent. Hélas, tout le monde ne peut pas en dire autant.
  2. Aujourd’hui, notamment, je défends ici en France la suppression du franc CFA, pour permettre aux pays africains de retrouver leur souveraineté monétaire et leur permettre d’émettre du crédit pour leurs infrastructures, leurs industries et leur développement rural.
  3. En ce qui concerne le Lac Tchad, il est clair qu’il doit pouvoir devenir un poumon d’eau et de développement dans le centre de l’Afrique, permettant la paix dans un intérêt mutuel entre agriculteurs, éleveurs et pêcheurs. Sans cet environnement ainsi créé, la région demeurera une proie pour les Boko Haram, les trafiquants de drogue et d’être humains et le pillage financier des puissances extérieures à l’Afrique.
  4. Comment cet effort pour la revitalisation du Lac Tchad doit être organisé relève bien entendu de la souveraineté nationale des principaux États directement intéressés. Le projet de Transaqua en est actuellement à l’état d’étude de faisabilité, et il s’agit d’une proposition et non d’un début d’exécution, qui exige l’accord de toutes les parties prenantes. Son intérêt principal, en tant que proposition, est qu’il s’efforce de prendre en compte les intérêts de chacun. Il ne s’agit en aucun cas de « voler les eaux du Congo » mais de mettre en œuvre un projet apportant autour de lui tous les éléments d’un développement mutuel. Le but en ce qui concerne la région du Lac Tchad lui-même est d’en revitaliser les nappes phréatiques pour pouvoir procéder à une politique de poldérisation et d’irrigation par des méthodes aussi économes en eau que possible (goutte à goutte, lutte contre l’évaporation…). Le long du canal prévu par Transaqua, il s’agit de créer un « fleuve de développement » qui doit bénéficier à tous, dont bien entendu le Congo, la mise en place des moyens restant à déterminer entre parties prenantes.
  5. Le projet Transaqua n’est en aucune manière incompatible avec le projet de barrage Grand Inga, tout aussi nécessaire et dont je suis un partisan convaincu. La part en effet des eaux du Congo pour le projet Transaqua ne devrait en effet en aucun cas dépasser 5% du débit du fleuve près de son embouchure. Cela ne peut donc menacer le projet Grand Inga. A l’intérieur du Congo, c’est une négociation entre parties prenantes qui doit déterminer les débits ponctuels nécessaires au projet. L’alimentation du Lac Tchad ne doit pas être comme un prélèvement, mais comme un instrument qu’on accorde intelligemment entre tous les intéressés, notamment en ce qui concerne le débit de l’Oubangui et de ses affluents. Il ne s’agit pas bien entendu d’une captation sans contrepartie, qui serait un pillage, mais au contraire de projets industriels et d’aménagement rural qui devront être organisés autour de la « ceinture de l’eau » constituant un axe de développement à l’intérieur même du Congo.
  6. Je suis convaincu que le développement autour du Lac Tchad est une question de vie ou de mort pour des centaines de millions d’africains. Quant à la question de la biodiversité, elle mérite bien entendu une attention particulière, mais ne doit pas en elle-même entraver l’urgence d’une politique de développement humain. Ceux qui s’en préoccupent devraient également penser à l’état des troupeaux et des cultures autour du Lac Tchad et au Congo. Par exemple, hélas, la nature et surtout la taille des poissons pêchés dans le Lac Tchad ne sont plus les mêmes que celles d’il y a 50 ans.
  7. Bien entendu aussi, une évaluation météorologique sérieuse doit être entreprise sur les variations climatiques à venir dans la région. Cela fait partie d’une étude de faisabilité sérieuse. L’évaluation des aquifères exploitables autour du Lac doit être également entreprise, comme ressource complémentaire importante. Je signale à ce sujet que l’on sait aujourd’hui repérer par radar, à partir de satellites, où se trouvent ces aquifères et donc où il serait nécessaire de creuser.
  8. Enfin et surtout, les moyens financiers doivent être mis en place qui permettent la réalisation de ces grands projets, que ce soit le Grand Inga ou le Lac Tchad. C’est là, j’en suis convaincu, la vraie question. La politique du FMI, de la Françafrique et de leurs complices africains a été par sa nature même – assurer le profit financier à court terme le plus élevé possible en pillant les ressources naturelles des pays – opposée à la réalisation de ces grands projets. Ils ne peuvent et ne doivent pas, en aucun cas, être mis à la charge des pays africains : ceux-ci doivent décider ce qui leur convient et faire le choix de ce qui leur est offert en toute indépendance, mais encore faut-il qu’il y ait de leur part initiative et de la part de leurs partenaires une offre concomitante, sans préjugés coloniaux ou néo-coloniaux. Les prêts doivent être à très faible taux d’intérêt et à très long terme pour un projet de cette nature, associés à des parts-don, à mon sens surtout en matière de santé publique, de formation technologique et d’éducation.
  9. Mon combat pour un nouvel ordre international plus juste s’inscrit dans ce contexte, et je n’ai aucun attachement, financier ou autre, avec les projets présentés, si ce n’est l’intérêt général et l’avenir du continent africain.

Jacques Cheminade

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