FOCAC J+1, Objectif: autosuffisance alimentaire en 2030!

Le premier jour du sommet Chine-Afrique de Beijing au sein du Forum de la coopération sino-africaine (FCSA, en anglais FOCAC) a été marqué par la hauteur du discours, d’une trentaine de minutes, du président chinois Xi Jinping, lors de la cérémonie d’ouverture.

Son intervention était très attendue, notamment sur les moyens par lesquels la coopération sino-africaine pourra passer à un niveau supérieur dans les années à venir. Son discours intervient également au moment où la plupart des médias occidentaux accusent la Chine de « néo-colonialisme », par une politique sournoise d’endettement des pays africains, les mettant sous sa dépendance. Nous y reviendrons ci-dessous et demain.

Aujourd’hui, écoutons les paroles prononcées par le Président Xi Jinping devant les chefs d’Etat africains et délégations africaines, ainsi que devant les chefs d’entreprises et observateurs internationaux, dont le Secrétaire général de l’ONU. Ces annonces sont, en elles-mêmes, un contre-pied aux « arguments » de la presse, dont l’arrogance n’aurait pas été mésestimée par Voltaire.

2019-2021 : six piliers pour huit initiatives

Parmi les six piliers sur lesquels les huit nouvelles initiatives proposées par Xi Jinping reposent, quatre retiennent notre attention :

  • 1er pilier, « le bonheur pour tous » : « le bien-être de nos populations doit être le but premier de la coopération sino-africaine »  ;
  • 4ème pilier, « la coopération culturelle doit être renforcée », afin de parvenir à un véritable dialogue des civilisations africaines et chinoises ;
  • 5ème pilier, « la sécurité commune  » : « le nouveau concept de sécurité globale et collaborative que nous proposons doit avoir pour but premier d’apporter des solutions africaines aux problèmes[de sécurité] africains »  ;
  • 6ème pilier, « l’harmonie entre l’Homme et la nature » : « le développement durable doit permettre une lutte efficace et coordonnée contre l’avancée des déserts ».

Les huit initiatives suivantes, proposées par Xi Jinping, ont été adoptées ce lundi par l’ensemble des participants, et seront donc mises en place entre 2019 et 2021 :

1. l’initiative industrielle : l’objectif de l’autosuffisance alimentaire du continent africain d’ici 2030 est fixé ; pour y parvenir, une certain nombre de mesures sont proposées, dont la création d’une Foire économique Chine-Afrique, 50 projets agricoles pilotes afin d’améliorer les rendements, 1 milliard de dollars (860 millions d’euros) d’aide alimentaire d’urgence par le gouvernement chinois, l’envoi de 500 agronomes parmi les plus qualifiés de Chine pour stimuler la formation agricole, des « contrats sociaux-économiques » (entre le gouvernement chinois, les pays d’Afrique concernés et les entreprises chinoises) afin de « mieux prendre en compte les intérêts des travailleurs africains » dans les entreprises chinoises présentes en Afrique, des prêts aux PME à travers un fond spécifique ;

2. l’initiative d’interconnexion des infrastructures africaines, pour « mettre les projets d’infrastructures en accord avec la vision continentale de l’Union africaine » ;

3. l’augmentation des importations africaines en Chine, « notamment des produits qui ne sont pas des ressources naturelles », des produits africains manufacturés, grâce à une régulation douanière en Chine favorable aux produits africains, grâce à 50 projets pilotes de facilitation du commerce africain en Chine ;

4. l’initiative du développement durable : 50 projets de grande ampleur axés sur « la lutte contre la pollution, la désertification, la protection de la faune et de la flore » ;

5. le renforcement des capacités humaines : chaque projet doit avoir un dimension sociale, et l’accent sera mis sur la formation d’une main d’œuvre de haute qualification, grâce à la mise en place de dix grands ateliers de formation, la construction d’un centre de coopération Chine-Afrique sur l’innovation, grâce à 50 000 bourses d’étudiants payées par le gouvernement chinois en 3 ans ;

6. l’initiative Santé : 50 projets d’aides médicales viendront compléter la construction d’hôpitaux, baptisés « hôpitaux de l’amitié », et d’un centre d’information sino-africain de lutte contre les maladies, permettant un échange d’informations, profitable aux deux parties. La formation de médecins spécialistes et le développement de la médecine ambulatoire continueront ;

7. l’initiative Culture : « les Chinois doivent mieux connaître les civilisations africaines », ainsi sera créé un Institut d’études sur l’Afrique. La construction de théâtres, de musées et de festivals de musique ont également été annoncés ;

8. l’initiative Paix et sécurité : un fond Chine-Afrique pour la formation de militaires africains « afin de résoudre les problèmes africains par des solutions africaines », ainsi qu’un Forum sino-africain sur la paix et la sécurité commune, seront créés.

Xi Jinping a conclu ses annonces par la question du financement : 60 milliards de dollars (52 milliards d’euros) seront alloués par la Chine à une partie de ces objectifs d’ici 2021, soit autant que ce que la Chine a investi en Afrique depuis le dernier sommet de Johannesburg en 2015.

Sur ces 52 milliards d’euros (voici un premier argument contre les « experts » de la dette que sont devenus récemment nos journalistes) :

  • 13 milliards seront sous forme de prêts à 0 % et d’aides sans contreparties ;
  • 17 milliards sous forme de prêts à bas taux, « sans aucune conditionnalité » ;
  • 8,6 milliards pour la formation.

Sans politesse excessive mais sans arrogance

En plus de ces annonces, Xi Jinping a rappelé le contexte et la philosophie du sommet sino-africain. Il a d’abord rappelé que les premiers juges de la sincérité de la coopération sino-africaine étaient les peuples africains eux-mêmes.

Il a ensuite rappelé que la Chine et l’Afrique partageaient « des passés similaires et des aspirations communes ». Enfin, il a rappelé que tous les pays sont le bienvenu pour aider l’Afrique et les Africains à devenir « maîtres de leur destin », à partir du moment où ils considèrent que « donner sans prendre est la base de toute amitié réelle » et qu’ils adhèrent « au principe des cinq NON » [1], qui définit déjà la relation sino-africaine. Car « la paix et le développement sont les termes de notre époque ».

La dette sur toutes les lèvres

La semaine dernière et ce week-end, une multitude d’articles sans nuances a fleuri sur l’inquiétude du FMI quant à l’augmentation récente de la dette des pays d’Afrique, à cause des prêts de banques et du gouvernement chinois. Chaque rédaction a vu dans cet avertissement la preuve d’une « mise sous dépendance », voire une « mise sous tutelle déguisée » des pays africains par le gouvernement et les intérêts économiques chinois. La tentative de la presse et des intérêts qu’elle représente est bien de faire capoter le sommet Chine-Afrique et de faire monter en mayonnaise des tensions éparses : c’est la fameuse doctrine du « diviser pour mieux régner » de l’empire financier de la City et de Wall Street, qui – il est vrai – a parfois fonctionné. Il semble, malgré tout, que l’espoir d’une Afrique unie et prospère, espoir nourri de faits probants sur le terrain depuis plusieurs années, est, cette fois-ci, pris le pas sur ces mensonges médiatiques.

La première (et sûrement la meilleure) réponse à apporter « aux arguments de la presse » est d’abord et avant tout un rire bruyant et contagieux, un « gélio ». [2]

En effet, est-ce bien le FMI qui vient donner des leçons de savoir-vivre aux Chinois ? Les puissances occidentales se draperaient-elles de vertu post-coloniale ? Certes, il faut toujours prendre, non pour argent comptant (sans mauvais jeux de mots), mais aux mots tout pays qui proposent une politique gagnant-gagnant, de ne pas être le naïf de service et juger sur les actes. Mais de là à faire la leçon de morale comme le fait Christine Lagarde et les chefs d’Etat occidentaux…

Ensuite, la réponse aux « arguments » de la presse est celle, brillante, de Donald Kaberuka, ancien directeur de la Banque africaine de développement, interviewé ce 1er septembre sur RFI. Il explique clairement qu’il y a dette et dette. La crise de la dette africaine des années 80-90, par exemple, se définissait par une augmentation de la dette des pays africains, dans un contexte de croissance économique négative, les prêts n’impulsant pas de surplus de croissance, car mal ciblés. Nous voyons aujourd’hui, au contraire, nous dit-il, une augmentation de la dette des pays d’Afrique en rapport avec une augmentation de la croissance des économies. La raison en est simple : les prêts sont des investissements dans l’infrastructure de base, créant ainsi une plateforme supérieure de développement économique dans laquelle le budget, le commerce, la production… changent d’échelle.

C’est exactement l’argument d’économie politique que ne veulent pas entendre parler les milieux financiers. C’est celui de M. Cheminade en France et de M. LaRouche aux Etats-Unis, chahutés ou ignorés à plusieurs reprises par les mêmes médias qui font aujourd’hui du China bashing.


[1Non-ingérence par les projets de développement, non-ingérence dans les affaires intérieures, pas de conditionnalités, pas d’égoïsme dans les financements, non-imposition de sa volonté à l’autre partenaire.

[2Rire en grec.

( Source : www.solidariteetprogres.org )

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