ECOLONIALISME

Sébastien Périmony, le 25 juin 2023.


J’avais publié récemment une revue du livre de Guillaume Blanc, L’invention du colonialisme vert1 dans lequel j’avais inventé le théorème de Bruntland que je vous ré-expose ici en introduction :

« Cyril est à Paris, ferme son appartement et met l’alarme. Il vérifie sur son Iphone 14 qu’il a bien son e-billet… et c’est parti pour l’aéroport en Uber ! Départ de Paris pour Addis-Abeba, 5 789 km en Airbus A220-300. Enfin arrivé il se pose au Inter Luxury Hotel et profite du SPA. Le lendemain Etienne loue un 4X4 (Mercedes diesel 6 cylindres en ligne de 2,9 L, V8 de 4,0 L) pour se rendre directement — car la situation est grave — au village de Gich dans le parc « naturel » de Simien. C’est reparti pour 758 km. Enfin arrivé. Cyril est venu expliquer à Ménélik, un agro-pasteur vivant dans le parc, qu’il doit partir car il détruit l’environnement. Les agro-pasteurs vivent pourtant ici depuis des centaines d’années en harmonie avec la nature. »

Question (vous avez 2h) : « Quel est le con, Cyril ou Ménélik ? »




Si l’on veut commencer par une définition simple, on dira que l’écolonialisme est la nouvelle forme de l’impérialisme occidental développée par quelques penseurs modernes pour perpétuer, après la traite négrière, le colonialisme et le néocolonialisme, une politique raciste et eugéniste afin d’imposer une politique de zooïfication des pays du Sud global.

Alors qu’au début du 20siècle, nous, les peuples dits civilisés, mettions des Africains dans des zoos humains à l’occasion des expositions universelles, aujourd’hui c’est l’ensemble du continent africain que l’on transforme en zoo ; mais cette fois en éliminant les êtres humains, pour que nous, toujours soit-disant civilisés, puissions jouir de la nature sauvage dans des aires protégées (des africains) et contempler la nature et les animaux sauvages dans toute leur splendeur non souillée par la civilisation !

A ce titre, l’auteur Fiore Longo fait référence au documentaire presque irréel : « Zoos humains : L’histoire oubliée du racisme scientifique en Amérique » de John West, disponible sur internet3, et énième preuve, s’il en fallait encore, de l’abysse séparant l’illusion de sa propre supériorité et l’inhumanité qu’elle engendre.

Faire connaître et lire ce livre va permettre de mettre fin à l’hypocrisie de l’Occident concernant sa politique de bon samaritain envers les pays du Sud Global en démontrant, exemple à l’appui, sous couvert de lutte contre le réchauffement climatique, de conservation de la nature ou de « sauver les pauvre petits pandas »4 ce qui se cache réellement derrière le colonialisme et le capitalisme vert.

Le livre de Fiore Longo est une onde de choc qui va balayer vos préjugés racistes, conscients ou non, et vous permettre de repenser l’harmonie qui existe entre l’homme et la nature, quand le profit et l’idéologie en sont débarrassés…

I : De Thomas Malthus à Barack Obama, de Théodore Roosevelt au roi Charles III

Malthus a bel et bien écrit : « Tous les enfants qui naissent au-delà du nombre nécessaire pour maintenir la population à un niveau souhaité, doivent nécessairement périr, à moins que les adultes ne meurent pour leur laisser la place. (…) Il faudrait donc favoriser la mortalité naturelle, au lieu de tenter vainement et sottement de la freiner ; et si le retour trop fréquent de la famine nous effraie, nous devrions avoir recours pour la prévenir à d’autres moyens de destruction. Loin de recommander aux pauvres la propreté, nous devrions favoriser des habitudes contraires. (…) Nous devrions surtout refuser les remèdes spécifiques qu’on oppose aux maladies dévastatrices ; et notre réprobation engloberait ces hommes bienveillants, mais catastrophiques, qui croient avoir rendu service à l’humanité en faisant des plans pour extirper certains maux ».5

Le décor est planté ! La pensée malthusienne est anti-humaine, anti-nataliste et nous le verrons, nombreux sont parmi nos dirigeants ceux qui s’en revendiquent encore aujourd’hui.

L’histoire que raconte Fiore Longo est celle d’une élite oligarchique, qui, se croyant civilisée, se fixe deux objectifs prioritaires : « civiliser les primitifs » et « sauver la nature sauvage ». Cette prétention à la supériorité des races n’a d’égal que la barbarie des politiques mises en place pour atteindre ces deux objectifs : l’infâme mission civilisatrice. L’auteur se concentre sur l’héritage raciste américain, et nous allons parler dans quelques minutes de Théodore Roosevelt bien sûr, mais faisons d’abord un petit tour par la France qui n’a pas été en reste sur ce genre de théories nauséabondes.

Mentionnons par exemple Georges Vacher de Lapouge (1854 – 1936), théoricien de l’eugénisme et engagé en faveur du contrôle des naissances. C’est lui qui traduira en français en 1926 « The Passing of the Great Race » (1916), ouvrage de son ami et correspondant Madison Grant, qui considère l’immigration comme une menace pour la survie de la race blanche, mais nous y reviendrons. « Cet ouvrage a été décrit par Adolf Hitler comme « [sa] bible » et Théodore Roosevelt comme « un livre fondamental » ».

En 1889-1890, Vacher de Lapouge donne des cours de science politique (!) à l’université, sur le thème « L’aryen, son rôle social ». Pour lui, je cite, « II n’y a donc pas de droits de l’homme, pas plus que de droits du tatou à trois bandes, ou du gibbon syndactile que du cheval qui s’attelle ou du boeuf qui se mange. L’homme perdant son privilège d’être à part, à l’image de Dieu, n’a pas plus de droits que tout autre mammifère. L’idée même de droit est une fiction. Il n’y a que des forces. Les droits sont de pures conventions, des transactions entre puissances égales ou inégales ; dès que l’une d’elles cesse d’être assez forte pour que la transaction vaille pour l’autre, le droit cesse. Entre membres d’une société, le droit est ce qui est sanctionné par la force collective. Entre nations, cette garantie de stabilité fait défaut. Il n’y a pas de droit contre la force, car le droit n’est que l’état créé par la force et qu’elle maintient, latente. Tous les hommes sont frères, tous les animaux sont frères, mais être frères n’est pas de nature à empêcher qu’on se mange. Fraternité, soit, mais malheur aux vaincus ! La vie ne se maintient que par la mort. Pour vivre il faut manger, tuer pour manger. »

Mentionnons également le comte Arthur de Gobineau (1816 – 1882), diplomate, contemporain de Darwin qui publiera Essai sur l’inégalité des races, quelques années avant L’origine des espèces de Darwin. Il met, comme son ami Georges, « l’aryen » au sommet de la hiérarchie des races. Il a été, bien entendu, réfuté par le grand intellectuel et homme politique haïtien, Joseph Anténor Firmin, avec la publication de De l’égalité des races humaines en 1885.

Comme disait Rockin’Squat (le chanteur d’Assassin dans Esclave 2000) : « Tu me diras « C’est le passé » mais le passé se répercute / Et aujourd’hui l’esclave n’est pas qu’enchaîné derrière une hutte »6.

L’esclavage moderne, imposé par ce colonialisme et ce capitalisme vert n’est que la version moderne du malthusianisme. Et il est intéressant de voir que ce n’est pas du tout une question du passé. Certains mêmes de nos médias ont consacré plusieurs articles à ce sujet. L’Express, par exemple, a voué tout un texte à Paul Ehrlich, véritable Malthus du 21e siècle7.

Paul Ehrlich est l’homme qui a « modernisé » la pensée malthusienne dans les années 1970, inaugurant une nouvelle ère de peur démographique. Annonçant des famines gigantesques de plusieurs centaines de millions de personnes en raison, selon lui, de l’augmentation de la population, il a fait partie, avec le Club de Rome, de ceux qui ont dévié l’imaginaire populaire, le faisant passer d’un optimisme pour le progrès à un pessimisme mortifère et une peur collective des êtres humains. Tout est parti de son livre La bombre P (P pour Population), paru en 1968. L’ouvrage reprenait les cyniques thèses pseudo-scientifiques de l’économiste anglais Thomas Malthus, dont l’Empire britannique, avec non moins de cynisme, s’était servi pour maintenir sa main-mise économique sur le monde deux siècles avant.

Ainsi peut-on lire dans cet article de L’Express : « A la fin du XVIIIe siècle, l’économiste anglais assurait que la contradiction entre une croissance démographique qu’il jugeait exponentielle et des ressources alimentaires limitées condamnait l’humanité à des catastrophes perpétuelles, sauf à réguler les naissances. Malthus a rapidement été démenti par la révolution agricole. »

Malthus en sont temps suggérait la chose suivante : « Plutôt que de recommander la propreté aux pauvres, (…) nous devrions construire les rues plus étroites, loger plus de gens dans les maisons, et aider au retour de la peste (…) » Rien que ça !

Pourtant Ehrlich proposa au XXe siècle d’aller encore plus loin. Il imagina la diffusion de produits stérilisants dans l’eau courante et les aliments de base. Et dans son noir engouement, il poussa le vice jusqu’à médiatiser sa propre vasectomie. L’Express précise même qu’en voyage en Inde dans ce qu’il allait lui-même appeler « une nuit chaude et puante à Dehli », Ehrlich demanda à imposer la vasectomie à tous les Indiens ayant déjà plus de trois enfants… plus un triage de l’aide alimentaire, afin de laisser plus rapidement les plus désespérés mourir de faim ! C’est aussi lui qui lança la campagne pour une croissance zéro de la population en 1977… afin d’éviter le grand remplacement des Américains par les Mexicains !

Ehrlich a toujours eu ses adeptes en France, dont le premier, René Dumont, fut candidat à la présidentielle en 1974. Toujours selon le journal L’Express : « Dans L’Utopie ou la mort (1973), convaincu que le tiers monde est condamné à la misère perpétuelle, [Dumont] évoque aussi des mesures autoritaires, de l’avortement obligatoire à la mise en place de quotas de naissances. »

« Quoi, t’es surpris, là ? Tu ne savais pas ça ? 

N’a-t-on pas entendu l’ancien président français Nicolas Sarkozy appeler en 2016 à ce que « la communauté internationale prenne en main le premier problème de la planète, qui est celui de la démographie mondiale » et dire que « la réalité de l’Afrique, c’est une démographie trop forte pour une croissance économique trop faible » ? Une croissance économique trop faible : à qui donc la faute ??

N’a-t-on pas entendu Emmanuel Macron, en visite au Nigeria en 2018, déclarer : « Quand vous êtes un pays pauvre où vous laissez la démographie galopante, vous avez sept ou huit enfants par femme, vous ne sortez jamais de la pauvreté » ? Enfin, n’a-t-on pas déjà rencontré dans le journal Le Monde8 des propos de même nature, tels cette citation de Dennis Meadows, physicien et coauteur du rapport du Club de Rome Les limites à la croissance : « Il faut mettre fin à la croissance incontrôlée, le cancer de la société » ?

Le problème n’est pas la surpopulation, mais le sous-développement (lequel est savamment organisé). Et c’est bien ce que ce masque idéologique des plus hideux que le malthusianisme tente de cacher.

Pour en finir avec cette fausse idée de la surpopulation en Afrique, mentionnons que le Gabon est plus grand que la Grande-Bretagne (266 000 km2 contre 209 000 km2). Si le Gabon était un pays de l’Union Européenne, il ferait partie des 10 plus grands pays, devant le Royaume-Uni, l’Autriche, la Grèce, le Danemark et les Pays-Bas ! Pourtant sa population est de 2,3 millions d’habitants. Celle de la Grande-Bretagne ? 66 millions ! Soit 33 fois la population du Gabon.

La RDC a une superficie de 2,3 millions de km2 et la France, de 550 000 km²-soit environ 5 fois moindre…. Pourtant, la population congolaise est de 95 millions et celle de la France de 67 d’habitants. Que dire de plus à ceux qui s’obstinent à croire que l’Afrique est surpeuplée !

Mais revenons au livre de Fiore Longo, car toute la partie qu’elle consacre à Théodore Roosevelt et à l’histoire du conservationnisme est tout à fait passionnante pour comprendre les errements des écolonialistes aujourd’hui. Sans révéler toutes les découvertes de l’auteur et vous laisser le plaisir de les découvrir par vous-mêmes, nous ne nous attarderons ici qu’a mentionner John Muir, l’homme qui a conduit à la création des premiers parcs aux Etats-Unis, également fondateur du toujours très actif Sierra Club9. Basé sur le concept erroné de « wilderness » (nature sauvage), les premiers « parcs naturels » vont être créés aux Etats-Unis comme nous le révèle l’auteur : « Yosemite (déclaré aire protégée en 1864, puis parc national en 1890, Yellowstone (1872) et Glacier (1910), ont été créés sur des terres habitées par des peuples autochtones nord-américains, qui ensuite ont été forcés à les quitter (et à vivre dans la pauvreté). »

Et c’est donc Théodore Roosevelt, président des Etats-Unis de 1901 à 1909, qui jouera un rôle essentiel dans la mise en action du racisme scientifique rebaptisé conservationnisme : « Durant sa présidence, il créa 15 forêts nationales, 51 réserves fédérales d’oiseaux, 4 réserves nationales de gibier, 5 parcs nationaux et 18 monuments nationaux sur plus de 230 millions d’hectares de terres publiques, sans aucune considération pour les peuples autochtones qui y vivaient. » Mais derrière tout cela se cache le grand amateur de chasse ! Or le terrain parfait pour les chasseurs amateurs de sensation forte… c’est l’Afrique.

C’est ainsi que l’on apprend l’existence d’un film « Roosevelt in Africa »10 qui retrace le périple, à dos d’africains, de son excellence Théodore Roosevelt lui-même, qui racontera par la suite dans un livre « African Game trails » (Sentiers de chasse africains) ses exploits en terre sauvage menacée « par la croissance de la population (africaine) et du braconnage (par les Africains) » !

Je ne vous en dis pas plus, mais l’auteur retrace avec intelligence le fil rouge idéologique qui part de Malthus à Théodore Roosevelt allant, comme mentionné dans le titre de ce chapitre (un peu long), jusqu’à Obama, lequel donne sa voix dans un documentaire paru sur Netflix et intitulé « Parcs nationaux : ces merveilles du monde »11.

Et avant de conclure ce chapitre par une attaque contre le roi Charles III, mentionnons toutefois le mea culpa officiel de la revue National Geographic, par le biais de sa rédactrice en chef, Susan Goldberg, dans un articledont l’intitulé est assez explicite : « Pendant des décennies, nos reportages étaient racistes. Pour nous en détacher, il nous faut le reconnaître » et dans lequel on peut lire que « Les Américains n’avaient en tête que des représentations comme les films de Tarzan et les caricatures grossières et racistes » (…) « La ségrégation le voulait ainsi. National Geographic n’a pas organisé l’émancipation des préjugés que son autorité aurait permis d’organiser. »12 Bravo et merci de le reconnaître.

Et pour celles et ceux qui ont passé un de leur précieux dimanche à regarder le couronnement de son excellence Charles III … précisons qu’il est le roi des Malthusiens ! Et que son père, le prince Philip, grand chasseur s’il en est, n’est autre que le fondateur du WWF, une ONG créée en 1961 avec le prince Bernhard des Pays-Bas, et connue, pour dire le moins, pour sa complaisance envers le régime nazi.

Finissons avec une petite anecdote personnelle qui dit en dit long : lorsque j’ai couvert en 2009 le sommet de Copenhague13 – que j’ai renommé « le sommet de la dépopulation ». Je participe à une conférence organisée par le Club de Rome, la Desertec Foundation et la fondation Windsor (oui, celle de la famille royale britannique) ; un « expert » arrive pour nous expliquer le problème. Une image valant plus que mille mots, voici ci-dessous le premier slide de sa présentation powerpoint :

(en 2009) Dans la première photo il est écrit : « Comment 8 milliards d’êtres humains peuvent vivre de manière durable sur cette planète qui est déjà surpeuplée par 5 milliards d’êtres humains ». Sur la deuxième j’explique à un participant du sommet que « Le monde n’est pas surpeuplé, mais sous-développé. » (pas toujours simple !)

Oui le malthusianisne, transformé en colonialisme et capitalisme vert14 aujourd’hui, est une idéologie raciste, eugéniste et criminelle et l’heure est venue d’y faire face. Le livre de Fiore Longo permet d’ouvrir une brèche dans l’actuel débat formaté et contrôlé quant à la protection de la nature et les véritables intentions se cachant derrière ses protagonistes sur-médiatisés. Mais passons au chapitre 2.

II : La zooïfication de l’Afrique par les conservationnistes

Ce qui est très intéressant, encore une fois, dans le livre de Fiore Longo, est que l’on est bien loin des théories et qu’elle nous raconte ses propres expériences sur le terrain, auprès des populations autochtones luttant contre cette nouvelle forme d’impérialisme. Que lui ont-ils dit ? « Les conservationnistes viennent imposer une dictature. C’est pire que la colonisation. » ; « Vos zones de conservation sont des zones de guerres pour nous » ; ou encore : « Depuis que la conservation est arrivée, notre mode de vie est interdit, mais la forêt aussi y a perdu : les animaux ont décliné ; les arbres aussi. Nous sommes les vrais conservationnistes ».

A travers ses expériences rendons-nous dans la forêt de Messok Dja, dans le nord du Congo pour y partager le combat, parfois mortel, des peuples Baka et Bakwele contre le WWF, qui, se targuant de protéger les gorilles de la région en y créant des aires protégées, interdisent toute activité humaine des populations locales y vivant pourtant depuis des centaines d’années. Vous y apprendrez la mort de Komanda, emmené dans la nuit par les « écogardes » du WWF, et retrouvé mort par la suite, ayant été considéré comme un braconnier. Selon l’auteur, reprise du livre de Mark Dowie, Conservation Refugees, c’est déjà 14 millions de personnes rien qu’en Afrique, qui n’ont plus le droit de vivre chez eux ! Le lobby militaro-industriel n’étant jamais très loin de cette politique criminelle, l’auteur nous décrit les « écogardes » comme suit : « Nombre d’entre eux sont équipés d’armes de guerre et de haute technologies (drones, lunettes de vision nocturne, etc.). Pour aggraver les choses, cette militarisation de la conservation de la nature s’est accélérée au cours des deux dernières décennies (…) ».

Ensuite allons à la rencontre du peuple Massaï, au nord de la Tanzanie, et qui a lui aussi dû quitter ses habitations ancestrales pour la création de la zone de conservation du Ngorongoro, laquelle fait partie de l’écosystème du Serengeti. Alors soyons quand même précis sur la notion de conservation de la nature imposée par l’idéologie occidentale. Certes il faut protéger la nature des primitifs qui « ne savent pas » ; mais pour générer des profits afin d’encore plus protéger la nature, une solution géniale a été trouvée : le tourisme de masse !

Ce qui conduit au paradoxe suivant : Pour empêcher les 90 000 Massaï vivant dans la région du Ngorongoro de détruire l’écosystème, il a fallu faire venir 725 535 touristes rien qu’en 2019 !

Quoi de plus logique… un autre exemple du même genre cité par l’auteur sur la réserve de tigres du Kanha (Inde) : « Le nombre de visiteurs est passé de 106 000 en 2006-2007 à 175 000 en 2020-2011, soit une croissance de plus de 60 %. Au cours de cette période, le nombre d’hôtels au sein de la réserve est passé de 30 à 62. Cela peut sembler une coïncidence cynique, mais plus les touristes étaient les bienvenus dans la réserve, moins les Baiga étaient autorisés à rester sur leurs terres. »

C’est donc bel et bien un processus de zooïfication de l’Afrique et d’autres pays dans le monde qui est mis en place par et pour satisfaire une élite mondialiste de bobos-écolos néoconservateurs.

Simplement pour vous mettre l’eau à la bouche et le dégoût au cœur, je mentionnerai, pour finir, l’excellent chapitre sur la toute puissance de riches fortunés qui considèrent l’Afrique comme « leur » zoo, « leur » propriété, « leur » responsabilité. C’est ainsi que l’on apprend qu’une famille française devenue milliardaire « grâce au commerce de l’art » (et de l’évasion fiscale) possède « 15% de la population mondiale restante de zèbres de Grèvy et plus de 40 des 790 rhinocéros noirs restants en Afrique de l’Est.

Oui vous avez bien lu…

A ce titre l’histoire racontée dans ce livre sur Ian Craig est à la fois le symbole le plus criant et le plus malaisant de cet écolonialisme. Sans en dire trop, il est le fondateur en 1995 du Lewa Wildlife Conservancy [Conservatoire de faune sauvage de Lewa] classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Proche de la famille royale britannique (encore eux) il est décoré en 2016 de l’Ordre de l’Empire britannique pour ses « services à la conservation et à la sécurité des communautés au Kenya ». Je vous laisse découvrir dans le livre ses « services ».

L’empire (britannique) n’est pas mort et l’impérialisme non plus. Après les théories de la supériorité des races, de la mission civilisatrice, des programmes d’aides au développement (FMI, banque mondiale, AFD, etc.) le nouveau nom de l’impérialisme est l’écolonialisme.

En comprenant les rouages du colonialisme et du capitalisme vert tels que décrit dans cet excellent ouvrage, vous vous autoriserez à retrouver une part d’humanité pour commencer à résister contre les préjugés racistes qui nous ont bercé depuis notre enfance, et qui, selon votre âge ont été Tarzan, le livre de la jungle ou encore le Roi lion.

« Car là où nous voyons de la « nature », d’autres voient leur maison ».


1) L’invention du colonialisme vert : https://solidariteetprogres.fr/actualites-001/l-invention-du-colonialisme-vert.html

2) Décolonisons la protection de la nature : Plaidoyer pour les peuples autochtones et l’environnement https://www.double-ponctuation.com/produit/decolonisons-la-protection-de-la-nature/

3) Zoos humains : L’histoire oubliée du racisme scientifique en Amérique : https://www.youtube.com/watch?v=nY6Zrol5QEk ( en anglais )

4) Les pratiques criminelles de ONG ( par Sébastien Périmony) : https://www.afriquedufutur.com/pratiques-criminelles-des-ong/

5) Essai sur le principe de la population, publié en 1798 par Thomas Malthus (1766-1823)

6) Esclave 2000, extrait de l’album Touche d’espoir, qui reste aujourd’hui le meilleur album de rap français : https://www.youtube.com/watch?v=aZQ3wmvyHKI

7) Article malheureusement réservé aux abonnés ! https://www.lexpress.fr/idees-et-debats/surpopulation-paul-ehrlich-l-ecologiste-qui-annoncait-des-centaines-de-millions-de-morts_2178403.html

8) Article du Monde, également réservé aux initiés : https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/04/08/dennis-meadows-il-faut-mettre-fin-a-la-croissance-incontrolee-le-cancer-de-la-societe_6121114_3232.html

9) Voir leur site : https://www.sierraclub.org/

10) Documentaire « Roosevelt in Africa » (en anglais, datant de 1909) : https://www.youtube.com/watch?v=IJ_QeeHHEZw

11) Trailer du documentaire : https://www.youtube.com/watch?v=S0z3moH4570

12) L’article en version intégrale et en français ici : https://www.nationalgeographic.fr/photographie/2018/03/pendant-des-decennies-nos-reportages-etaient-racistes-pour-nous-en-detacher-il

13) Mon article de 2009 sur le sommet de Copenhague : https://solidariteetprogres.fr/actualites-001/article/copenhague-le-sommet-de-tous-les.html

14) Sur le capitalisme vert ou la finance verte. Il existe un rapport exceptionnel (et pas cher) de 150 pages intitulé « Le New Deal vert : Sortir du piège de la finance verte »  et que je ne saurais trop vous conseiller, car on ne peut comprendre ce dont l’on parle ici sans comprendre ses liens avec les mafieux de la finance internationale : A commander en ligne

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One comment

  1. Très bon article. Bien documenté. Toutefois, pour être efficace, le combat anti-ecolonialiste doit nécessairement être impulsé par des ressorts idéologiques et religieuses.

    Autrement dit, pour doper la combativité des victimes africaines, il faudra arriver à démontrer que les desseins et pratiques de l’oligarchie ecoloniamiste sont frontalement opposés à leurs idéologies et religions. La foi soulève des montagnes !

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