Mon combat pour l’Afrique

Des Grands projets pour sortir de la tragédie africaine

 

Forum mondial sur le lac Tchad, N’Djamena 29-31 octobre 2010


Par Sébastien Périmony, envoyé spécial à N’Djamena


Echec des transferts d’eau en Afrique du Sud, inévitabilité de la désertification liée au réchauffement climatique anthropogénique, conservation de la biodiversité existante autour du Lac, manque de moyens financiers, démographie galopante, etc. Tout l’arsenal écologique anti-développement et malthusien des élites européennes était de sortie pour s’opposer à la demande générale des populations africaines d’un changement radical de leur mode et de leur niveau de vie. Emile Malet, organisateur, avec l’association Passage Adapes, du 8ème Forum mondial du développement durable dont le sujet était la sauvegarde du Lac Tchad, a commencé son discours en déclamant que l’air de N’Djamena était « inspirant ». Or la capitale du Tchad est en plein chaos. Suite aux récentes inondations, le choléra a déjà contaminé plus de 600 personnes, dont 41 sont décédées. Il est terrifiant de parcourir les rues de cette ville, qui ressemble à un grand marché permanent où chacun essaie de vendre quelque chose pour nourrir sa famille, pour certains quelques morceaux de bois, d’autres des fruits ou encore des cailloux que des familles entières passent la journée à concasser. C’est par milliers que les enfants errent dans les rues, le regard vide d’espérance, sans que leurs familles puissent leur payer ni scolarité, ni soins médicaux du fait de la récente augmentation des prix alimentaires, comme me le racontait un chauffeur de taxi. Quelques routes goudronnées parcourent la ville mais le reste n’est que poussière et chemins de terre. Si l’air de N’Djamena peut nous inspirer quelque chose, c’est la honte de voir comment plus d’un million de personne peuvent encore, au XXIe siècle, vivre sans eau et sans électricité, sans soins ni éducation et que la France en est en grande partie responsable.

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Enfants dans les rues de N’Djamena.

C’est au milieu de cette tragédie que s’est donc tenue la conférence pour sauver le Lac Tchad, à laquelle été invitée la vice-présidente de l’Institut Schiller, Portia Tarumbwa-Strid, originaire du Zimbabwe, ainsi qu’un représentant de la campagne présidentielle de Jacques Cheminade. Il faut savoir que c’est du Lac que dépend exclusivement la survie de 30 millions de personnes, dont certaines viennent de pays comme le Sénégal et le Mali. Les deux premiers jours de conférence étaient consacrés aux contributions scientifiques, dont la plupart par des académiciens européens et africains. Or, quel était réellement l’enjeu de cette conférence et qu’entendent ces scientifiques par « la sauvegarde du Lac Tchad » ?

En fait, la plupart des intervenants ont prêché un écologisme radical, attaquant tour à tour la « surexploitation des écosystèmes au lieu d’une exploitation rationnelle de l’eau » (entendre rationnement), la « responsabilité des pêcheurs dans la destruction des ressources du Lac » et l’abomination des hommes et des femmes qui utilisent le bois (seul source énergétique pour les 80 % de la population vivant en milieu rural), accélérant ainsi le processus d’ensablement. Un certain M. Bouquet, professeur géographe à l’université de Bordeaux, appela quant à lui à faire sauter le tabou des idées de Malthus, « la démographie galopante aux abords du lac étant l’un des facteurs aggravants dans la réduction des ressources halieutiques » ! Académiciens et spécialistes du bassin du Lac Tchad se succédèrent ainsi pendant deux jours pour ne parler que des conséquences néfastes de l’intervention de l’homme sur la vie du Lac. Pour eux, le vrai problème de la région n’est pas le manque d’infrastructure et d’aménagement des eaux du bassin du Chari (source du Lac), mais la pêche, l’agriculture de décrue et l’élevage. Dans ce cadre, même le modeste projet consistant à dévier les eaux de l’Oubangui au Sud pour réalimenter le Chari est source de controverse, et n’est pas encore d’actualité aujourd’hui car, comme il a été décidé lors de cette conférence, une étude d’impact sur l’environnement et la biodiversité devra être entreprise au préalable.

D’autres voix plus modérées se sont faites entendre, comme celles d’Yves Le Bars, président du GRET (Groupe de recherche et d’échanges technologiques), mettant l’enjeu du débat sur la sécurité alimentaire (la malnutrition touche aujourd’hui 40 % des enfants tchadiens), ou de M. Maugrin, chercheur au CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement), qui a adopté également une approche plus rationnelle et politique, sans toutefois s’engager dans des propositions de grands projets capables de recréer un poumon de vie économique au cœur de l’Afrique centrale.

La contribution scientifique la plus intéressante est venue d’un chercheur centrafricain : Gaétan Roch Moloto-A-Kenguemba, docteur en géologie de l’Université de Bangui. Il présenta la version courte du projet Transaqua, ainsi que le véritable potentiel en eau de tout le bassin en montrant l’existence en Centrafrique de deux châteaux d’eau, dont celui du massif de Yadé. Dans des discussions en marge du séminaire, il a pu nous démontrer la totale faisabilité de la diversion des eaux de l’Oubangui, nécessitant, près de la capitale Bangui, la construction du barrage hydro-électrique de Palombo ainsi que d’un tunnel pour acheminer les eaux sur un peu plus de 120 km, à travers la chaîne de montagnes qui sépare le versant sud de l’Oubangui (eaux coulant vers le sud) du versant nord (Chari, eaux coulant vers le nord).

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Portia Tarumbwa-Strid (Institut Schiller) présentant les projets de développement continentaux lors du panel scientifique.

Toutefois, le projet Transaqua n’est pas un simple projet pour sauver le Lac Tchad mais, comme l’a expliqué Portia Tarumbwa à la tribune, c’est une pièce majeure d’un plan de développement continental. Il s’agit de créer un nouveau canal, long de 2400 km, qui partirait de la région du Kivu, en République démocratique du Congo, créant ainsi une autoroute maritime au cœur de l’Afrique, autour de laquelle pourraient être irrigués plus de 50 000 km² de terres agricoles afin d’éviter la mort annoncée de plusieurs dizaines de millions d’Africains si rien n’est entrepris. Un vrai marché intérieur africain pourrait alors voir le jour. Ces propositions soulevèrent à la fois le plus grand enthousiasme de la part des Africains, mais aussi les plus grandes peurs chez les Européens. Les cartes d’Afrique que Portia présenta pour les cinquante à cent ans à venir, avec le projet Transaqua, lié au développement d’un réseau de transport ferroviaire continental de trains à lévitation magnétique, ainsi que la mise en place de centrales nucléaires de IVe génération capables de fournir de l’eau en quantité massive, créa un mouvement d’intérêt très grand autour des idées que Jacques Cheminade met de l’avant dans sa campagne présidentielle en France. Tout le monde voulait alors se procurer notre dossier sur les grands projets africains et des dizaines de cartes de visite se sont accumulées dans nos poches.

Beaucoup de discussions de fond purent ensuite avoir lieu dans les hôtels ou autour des repas, sur ce que nous proposons et surtout, comment le mettre en place.

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Le Projet transaqua, version intégrale (Bonifica, 1990)

Le troisième jour de la conférence était consacré à la politique, en présence de cinq chefs d’Etats africains : Wade (Sénégal), Goodluck (Nigéria), Bozizé (Centrafrique), Khadafi (Lybie) et Déby pour le Tchad. Y participaient également des délégations d’autres pays comme le Congo Kinshasa. La secrétaire d’Etat du ministère français de l’Ecologie, Valérie Létard, s’est également exprimée lors du segment politique en commençant par ces mots : «  Je ne voudrais pas simplifier vos débats, mais je crois pouvoir dire que les évolutions du niveau du Lac Tchad sont liées, au moins en partie, aux conséquences du réchauffement climatique et des activités humaines. Depuis quatre décennies, l’activité humaine croissante liée à l’augmentation de vos populations, qu’il s’agisse des activités de la pêche, de l’agriculture et de l’élevage, a des effets tangibles sur cet environnement.  » Et d’engager la France derrière elle : «  C’est ainsi que la communauté internationale a procédé avec le GIEC, sur le changement climatique, et souhaite à présent le faire avec l’IPBES (plate-forme intergouvernementale sur la biodiversité et les services éco-systémiques), dans le domaine de la biodiversité. C’est dans cette perspective que la France s’engage à poursuivre son engagement, et c’est pourquoi nous sommes prêts à contribuer au financement de cette étude.  »

A la fin de l’après-midi, une conférence de presse des cinq chefs d’Etats nous a donné l’occasion de remettre sur la table la réalité de la crise financière, ainsi que le paradoxe entre d’un côté, les milliers de milliards de dollars qui sont déversés dans les banques privées du monde transatlantique et de l’autre, le manque de fonds pour nourrir un milliard d’êtres humains. A la question de savoir si les dirigeants africains allaient suivre les recommandations de l’Institut Schiller en se battant pour changer le système afin de lancer une véritable reprise économique, à commencer par le projet Transaqua, son excellence Idriss Déby a préféré botter en touche, affirmant que ce type de grands projets coûte trop cher. M. Wade demanda également à répondre à la question, disant qu’il avait lui-même écrit un article dans le Financial Times au moment de la crise des subprimes et avait jugé la politique d’alors comme n’étant pas la bonne. En ce qui concerne le projet Transaqua, il fit malheureusement la même réponse que son hôte, ajoutant qu’il fallait plutôt réduire les aménagements humains autour du Lac et trouver d’autres alternatives. Toutefois cette intervention diffusée en direct sur la télévision tchadienne suscita un grand intérêt dans la délégation congolaise sur place, ainsi que parmi la population. Ainsi, alors que je m’apprêtais à partir, attendant patiemment mon avion, un membre la police nationale s’est rué vers moi en disant : « C’est vous, c’est vous, bravo ! On vous a vu à la télé et on vous a applaudi, vous avez dit la vérité. Tout le monde ici, chrétiens et musulmans, nous voulons un changement radical. Et le Président n’a pas su répondre à votre question sur la crise, ils ne veulent pas dire la vérité ! » En aparté, il me confia que la situation ne peut continuer comme elle est et que les Tchadiens ne savent plus sur qui compter pour les sortir de l’oppression, tant le gouvernement délaisse la population.

Si l’âge des ténèbres dans lequel est plongée l’Afrique, et le Tchad en particulier, est indescriptible car insoutenable, cela ne doit pas faire impuissamment couler nos larmes, mais nous réveiller, nous révolter contre la politique que la France a menée et mène encore dans ce pays. Nous avons présenté, lors de ce forum, notre projet pour une Renaissance africaine, qui a été reçu avec enthousiasme et impatience. La campagne présidentielle française de Jacques Cheminade doit être le levier pour faire connaître également à nos concitoyens que ces politiques existent, et qu’elles sont la seule possibilité pour notre pays de regagner l’estime de soi dans le développement de l’autre.


Cheminade2012 :

Vidéo :

Dédicace à mes amis congolais  :

 

 

 

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Ce soir j’avais envie de vous faire partager un excellent article de Mr Cheminade sur le professeur Joseph Tchuindjang Pouemi, économiste camerounais. Economiste pour lequel sera organisé un hommage le 8 Septembre à la Mairie du 19ème à Paris et organisé par l’association  AAALFA et pour laquelle vous pouvez trouver l’invitation à l’adresse suivante :
http://aaalfa.org/doc/Flyer_conference_Zones_monetaires_1.pdf
version PDF du texte : Du Franc CFA à l’euro

 

Du franc CFA à l’euro

Joseph Tchuindjang Pouemi, monnaie, servitude et liberté

 

Redécouvrir l’œuvre de Joseph Tchuindjang Pouemi n’est pas seulement se pourvoir d’un moyen essentiel pour « comprendre les douleurs de l’Afrique », mais plus généralement pour resituer la monnaie comme « phénomène social par essence ». Alors que règne aujourd’hui, notamment dans les zones euro et dollar, un monétarisme qui considère la monnaie comme une valeur en soi, Tchuindjang Pouemi nous montre au contraire qu’elle est une allocation de crédit dont la légitimité dépend de l’usage que l’on en fait.

Elle est en ce sens l’attribut de toute souveraineté nationale car de son allocation dépend le futur que l’on veut donner à son pays. Il n’est donc pas étonnant que toute oligarchie veuille cacher ce rôle et en faire l’instrument de son pouvoir pour perpétuer sa domination au détriment des peuples. Au début de son livre, Monnaie, servitude, liberté: la répression monétaire en Afrique, écrit en 1979-1980, l’économiste camerounais met bas les masques : «Il convient qu’en Afrique la monnaie cesse d’être le territoire du tout petit nombre de « spécialistes » qui jouent aux magiciens. » Et il ajoute : « Aujourd’hui, faute d’accorder aux questions monétaires l’attention qu’elles méritent, l’Afrique inflige à ses enfants, et plus encore à ceux qui ne sont pas encore nés, des souffrances tout à fait gratuites. »

Nous sommes aujourd’hui en août 2012, plus de trente ans après que Tchuindjang Pouemi eut publié son ouvrage, et non seulement sa critique dévastatrice du franc CFA reste plus juste que jamais, mais elle s’applique tout aussi bien à l’euro, car dans les deux cas, ceux qui ont inspiré la création de ces monnaies se sont abreuvés et s’abreuvent à la même source. Il est ainsi ironique – mais logique – que les maux infligés aux peuples colonisés par les anciens colonisateurs soient aujourd’hui infligés par ceux-ci à leurs propres peuples. Le dénominateur commun est le viol des souverainetés nationales et des libertés individuelles au profit d’une même oligarchie, inspirée par une tradition monétariste qui remonte aux cités grecques prédatrices et trouve aujourd’hui son expression dans l’impérialisme monétariste de ses successeurs financiers et marchands anglo-américains. Ceux qui ont condamné Socrate sont toujours les ennemis, sous une autre apparence physique mais issus d’une même matrice idéologique, que nous devons combattre et écarter du pouvoir.

Disciple de Maurice Allais et ayant présenté sa thèse de sciences économiques sous la direction de Pierre Massé, Tchuindjang Pouemi s’inscrit dans la tradition française de l’économie physique productive et de la planification indicative, à l’opposé du néo-libéralisme dominant depuis plus de quarante ans dans le monde. Je me sens d’autant plus proche de lui qu’il a commencé ses études à Clermont-Ferrand, dans cette Auvergne dont vient toute ma famille, et que j’ai moi-même rencontré Allais et ses proches en partageant un engagement commun pour la séparation des banques d’affaires, de dépôt et de crédit – le Glass Steagall de Roosevelt, repris en France et rattaché à notre conception de Banque nationale et d’un Conseil national du crédit. Ainsi l’on peut dire, ironiquement, que le jeune économiste partisan de l’indépendance du Cameroun appartenait à l’école française de science économique, alors que les colonialistes néo-libéraux se trouvaient, eux, du côté de l’école monétariste britannique !

La monnaie, expression de la souveraineté, est pour Tchuindjang Pouemi l’élément essentiel à examiner pour voir si derrière les belles paroles, il y a des actes qui les incarnent. Or « le franc CFA est en fait un instrument de la permanence de la colonisation française en Afrique… La France est le seul pays au monde à avoir réussi l’extraordinaire exploit de faire circuler sa monnaie, et rien que sa monnaie, dans des pays politiquement libres ». Aujourd’hui, trente ans après, la situation de dépendance de l’Afrique n’a pas changé. Les Etats qui relèvent du franc CFA n’ont aucune maîtrise de leur monnaie. Le fait que le Trésor public français soit placé au-dessus des banques centrales BCEAO et BEAC constitue un viol de souveraineté. Ainsi la dévaluation de 50 % en 1994 a sapé les fondements d’une classe moyenne émergente et servi uniquement les fortunes colossales de l’oligarchie au pouvoir, qui met ses avoirs à l’abri dans des paradis fiscaux et achète d’immenses propriétés immobilières en Europe. Quitte à faire éduquer ses enfants, se soigner et mourir chez nous ou aux Etats-Unis, faute d’avoir prévu des investissements sociaux dans son propre pays. Cela a été bien entendu aggravé par le fameux consensus de Washington, que le Fonds monétaire international (FMI) a appliqué en exigeant que les pays africains pratiquent des coupes claires dans les budgets sociaux, d’éducation et d’infrastructure. Provoquant à la suite une émigration que les pays européens ne veulent plus accueillir et chassent avec leurs bateaux, leurs avions et leur police. Ainsi s’est mise en place cette machine infernale, avec sa conséquence : les terribles inégalités sociales en Afrique et les « problèmes » de l’immigration chez nous, avec désormais en Europe une forme de ségrégation intérieure redoublant le néo-colonialisme par la monnaie à l’extérieur.

Le franc CFA avait d’ailleurs été créé avant les indépendances, puis simplement rebaptisé après, sans que son mécanisme fondateur n’en soit modifié. Il a servi ainsi de relais aux politiques de ce FMI que Tchuindjang Pouemi traitait à juste titre de « fonds de misère instantanée », n’en déplaise à Mme Lagarde, M. Strauss-Kahn et tous ceux qui les ont promus.

L’économiste camerounais voulut toujours rester un professeur auprès de ses élèves, pour former les générations futures à Yaoundé, Douala et Abidjan, hors du cercle de déraison de la politique compradore des « élites » africaines. Il refusa donc les propositions que lui firent Ahidjo ou Houphouët Boigny d’entrer dans leurs gouvernements. Universitaire, il était en même temps une référence de morale et de justice politique, et si l’on ne sait pas exactement s’il mourut assassiné, sa disparition servit bien les intérêts en place à un moment où se consolidaient l’exploitation et l’injustice.

Ma pensée va ici aussi à Thomas Sankara, Sylvanus Olympio et Félix-Roland Moumié, qui menèrent le combat politique pour la justice et le payèrent de leur vie, ainsi qu’à mon ami Renaud Vignal, qui dirigeait le cabinet de Jean-Pierre Cot au moment où tous deux tentèrent d’abolir la Françafrique et furent tués politiquement par la Mitterrandie.

Ces souvenirs me ramènent aussi à l’erreur – une erreur, pire qu’un crime – de la quasi-totalité de la gauche européenne, qui ne comprit pas ou ne voulut pas comprendre que la cause de la décolonisation économique et culturelle en Afrique rejoignait la cause de la justice sociale et de la participation réelle au pouvoir en Europe, et même se confondait avec elle. Nous portons aujourd’hui encore les stigmates de cette erreur.

Plus profondément peut-être, nous l’avons dit au départ, la critique fondamentale que fait Tchuindjang Pouemi du franc CFA vaut aujourd’hui pour l’euro. Son existence dépouille en effet de la souveraineté monétaire les pays membres de l’Union européenne, au profit non pas d’une entité supérieure bienveillante mais d’un conglomérat de financiers, de banquiers d’affaires et de fonctionnaires qui ont mis les économies sous tutelle financière et monétariste, faisant prévaloir les intérêts du court terme sur les investissements à long terme, physiques et sociaux, gages d’avenir. Aux profiteurs de la Françafrique succèdent ainsi les lobbyistes de Bruxelles, qui écrivent trop souvent les textes que reprennent des fonctionnaires ayant perdu le sens de l’intérêt public et disposant de moins de moyens que leurs interlocuteurs.

L’on passait il y a plus de quarante ans un film intitulé «La Cina é vicina », la Chine est voisine, frappé du coin de l’idéologie « maoïste » occidentale. Nous pourrions aujourd’hui dire avec bien plus de pertinence que l’Afrique est voisine : nous souffrons de la même maladie monétariste qui peu à peu a tout contaminé dans l’économie mondiale. Ceux qui ne me croient pas peuvent le demander aux Grecs, aux Espagnols et si nous continuons ainsi, se le demander bientôt à eux-mêmes, en France.

Heureusement, la pensée de combattants comme Joseph Tchuindjang Pouemi reste bien vivante et nous encourage, par delà les années, dans notre propre combat, pour lui donner la dimension que nos prédécesseurs européens n’ont pas su ou voulu reconnaître.

 

 

Sélection bibliographique

Ouvrages de Joseph Tchuindjang Pouemi

 

Monnaie et indépendance nationale (1977)

Monnaie, servitude, liberté : la répression monétaire en Afrique (1981)

Thèse de Sciences économiques : « Les critères de choix des projets d’investissement en pays sous-développés par les organismes internationaux, fondements théoriques et problèmes d’application », sous la direction de Pierre Massé.

 

Articles

Les pays sous-développés dans la jungle monétaire internationale (1975)

A la recherche du temps perdu dans les relations économiques internationales (1976)

Progrès technique, production et chômages (1987)

 

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 L’Afrique, colonie du premier président noir-américain ?

Ou comment Obama amplifie les politiques de Bush et Cheney

Tout commence une nuit de novembre 2003, la lune est presque pleine, les citoyens européens et américains dorment pour la plupart paisiblement. C’est alors qu’un submersible des forces spéciales de la marine des Etats-Unis (les SEALs, acronyme pour Sea, Air and Land – Mer, Air, Terre) s’approche de la côte somalienne, pour une opération contre un pays avec lequel ils ne sont pas même en guerre. Pourquoi ?

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Les Etats-Unis sont en guerre en Afghanistan depuis 2 ans, où ils ont capturé un certain Ali Abdul Aziz al-Fakhri, directeur d’un camp d’entraînement en Afghanistan pour Al-Qaida. Suite à un interrogatoire dans la tristement célèbre prison de Bagram, il déclare que le réseau terroriste, s’il est chassé d’Afghanistan, cherchera à reconstruire ses bases au Yémen et en Somalie [1]. C’est suite à ces renseignements que se déroulera l’opération des forces spéciales américaines en Somalie. Le but de cette opération : installer des caméras, qui ressemblent à des pierres ou des ananas (!) dans les ports de Kismaayo, de Merka ou dans certains endroits spécifiques où sont censés s’entraîner des groupes islamistes comme Al-Shabbaab.

Avant le lancement de cette opération de remilitarisation du continent africain par les Donald Rumsfeld & Cie, c’est depuis les Seychelles, que des drones décollent pour des missions de surveillance, et c’est du Koweït qu’une couverture militaire par avion d’attaque au sol AC-130, est déployée en cas de problèmes. Ajoutons à cela le soutien considérable, depuis l’opération « Liberté immuable » de 2001, fourni par le Camp Lemonnier, la base militaire américaine à Djibouti. C’est également des opérations comme celle de « l’initiative transsaharienne contre le terrorisme », qui ont permis, sous prétexte de guerre globale au terrorisme, d’envoyer des troupes américaines au Tchad, en Tunisie, en Mauritanie, au Maroc, au Mali et autres, ainsi que dans la corne de l’Afrique.

Alors, nous pourrions dire, c’est normal, c’était l’ère Bush & Cheney, l’ère des néo-conservateurs, et la France, en s’opposant à la guerre d’Irak, s’était opposée en partie à cette politique d’occupation militaire du Moyen-Orient et de l’Afrique. Or l’heure de ces fantasmes européens est terminée, avec la récente politique de changement de régime qui a été montrée dernièrement en Libye, sans mandat explicite ni de l’ONU, ni des parlements français ou anglais, ou du congrès américain. C’est donc une politique pire que celle de Bush & Cheney dont sont aujourd’hui auteurs le valet Nicolas Sarkozy et l’empereur Barack Obama.

Preuve en sont les récentes déclarations du général Carter F. Ham, commandant en chef de l’AFRICOM, le commandement des Etats-Unis pour l’Afrique (basé en Allemagne à Stuttgart), s’inquiétant de la fusion du groupe islamiste du Nigéria, le Boko Haram, avec Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI) en Afrique du Nord et le groupe Al-Shabbaab en Somalie. C’est contre cette soi-disant menace qu’en juin 2011, le gouvernement Obama a fourni 45 millions de dollars d’équipement militaire aux 9000 soldats de l’Ouganda et du Burundi, afin de combattre les ennemis de la liberté à Mogadiscio, capitale de la Somalie. Et enfin ce sont encore 24 millions de dollars qui ont été donnés au Kenya, permettant aux troupes kényanes d’envahir au mois d’octobre la partie sud de la Somalie et d’y combattre les militants d’Al-Shabbaab. Rappelons que c’est aussi en Somalie qu’avait eu lieu en 2009 l’opération d’assassinat de Saleh Ali Saleh Nabhan [2].

C’est aujourd’hui l’intégrité de la Somalie qui est en jeu, puisque les troupes ougandaises, burundaises et kényanes, armées par les Etats-Unis, contrôlent déjà une partie du sud de la Somalie.

Le 14 octobre dernier, l’empereur Obama a décrété l’envoi de 100 conseillers militaires de ces fameuses forces spéciales, afin d’aider l’Ouganda à capturer le chef de guerre Joseph Kony, sous le coup d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale, qui vit aujourd’hui avec ses combattants dans les forêts d’Afrique centrale. Dans sa lettre au Congrès américain, cité sur le site du Figaro [3], Obama dit avoir « autorisé un petit nombre de soldats américains équipés pour le combat à se déployer en Afrique centrale pour aider les forces de la région œuvrant à faire quitter le champ de bataille à Joseph Kony ». Sous prétexte des atrocités commises par l’Armée de résistance du seigneur, LRA, en Centrafrique, Ouganda, République Démocratique du Congo et au Sud-Soudan, ce sont donc les forces spéciales de l’armée américaine qui s’installent dans toute l’Afrique centrale.

Soutien militaire plutôt qu’alimentaire

L’espoir qu’avait suscité l’élection de Barack Obama en Afrique a fait pschitt ! Les fantasmes ont disparu et laissent place aujourd’hui à une colère grandissante des populations africaines, qui attendaient un changement de politique. Au lieu de quoi elles se retrouvent envahies par les forces spéciales de l’armée américaine, pour lesquelles le gouvernement dépense des millions de dollars qui auraient dû servir, par exemple, dans la corne de l’Afrique, à une aide alimentaire, au moment où plusieurs millions d’enfants sont en train de mourir de faim. En Europe l’heure des fantasmes doit être remplacée par l’heure des grands projets [4] que le continent attend depuis des décennies ; la mise en place de grands projets comme le projet Transaqua pour le lac Tchad, le projet de canal du Jonglei, le projet pour le désenclavement de la RDC, ainsi qu’une politique continentale d’autosuffisance alimentaire, en remplacement des folies imposées par le FMI depuis les années 70 du XXe siècle.

Sébastien Périmony

(Article que j’ai écris fin 2011 que je remet aujourd’hui dans le cadre des élections US. Je suis en train de le remettre à jour, donc pour ceux qui ont des informations, je suis preneur …)

Notes:

[1] voir Obama tire à vue sur des citoyens américains.

[2] Lire sur Jeuneafrique.com Somalie : Raid américain contre un terroriste présumé d’Al Qaïda.

[3] Voir la dépêche Afrique : les USA traquent Joseph Kony et la lettre d’Obama (en anglais) publiée par foxnewsinsider.com.

[4] Voir notre dossier et notre vidéo Afrique : l’heure des grands projets est venue.

 

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