Projet LUMUMBA 2050

Par Sébastien Périmony, Octobre 2013

« Ensemble, mes frères, mes sœurs, nous allons commencer une nouvelle lutte, une lutte sublime qui va mener notre pays à la paix, à la prospérité et à la grandeur (…) Nous allons montrer au monde ce que peut faire l’homme noir quand il travaille dans la liberté, et nous allons faire du Congo le centre de rayonnement de l’Afrique tout entière. (…) L’indépendance du Congo marque un pas décisif vers la libération de tout le continent africain. (…) Vive le Congo indépendant et souverain ! » Patrice Lumumba

Représentation artistique d’un pont entre Brazzaville (République du Congo) et Kinshasa (République Démocratique du Congo, avec chemin de fer, route, pipelines, lignes électriques, piste cyclable et voie piétonne

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Comme le voulait Patrice Lumumba et, avec lui, tout le peuple congolais – et comme le chantait Franklin Boukaka, dans sa chanson Pont sur le Congo – il faut « rebâtir le pays ». Détruite par des décennies de pillage à la sauce géopolitique, dont les violences à grande échelle contre les populations dans la province du Nord-Kivu n’en sont que le macabre visage, la RDC doit renaître par une politique de développement humain ambitieuse. A l’image du continent, les potentiels de développement de la région d’Afrique centrale sont immenses, tant dans l’aménagement du bassin du Congo que dans la transformation des matières premières sur place en biens alimentaires et manufacturés de qualité. Deux éléments d’une politique d’ensemble que nous avons baptisé le projet Lumumba 2050 sont ici évoqués :

– un réseau de ponts enjambant le fleuve Congo et ses affluents ;

– une boucle ferroviaire et routière intérieure.

Le projet d’un pont entre Kinshasa et Brazzaville doit être le symbole de cette renaissance. Ce pont, entre les capitales de la RDC et la République du Congo-Brazzaville, permettra le transport rapide de passagers et de marchandises, devenant ainsi le point de départ d’un développement durable du bassin du Congo. Projet pionnier, il doit incarné aussi bien le symbole d’un pont vers le futur, que celui de nouvelles relations entre les différents pays d’Afrique. Ce pont, d’une longueur d’environ 4 km, permettra le passage de dizaines de milliers de passagers par jour. Avec deux lignes de chemin de fer pour les marchandises et les passagers, et une autoroute à deux fois deux voies reliant les deux capitales, ce pont sera le point de départ d’une politique d’ensemble de construction, de reconstruction, d’agrandissement ou de modernisation de ponts tout au long du huitième plus long fleuve du monde qu’est le Congo (4 700 km).

Le pont existant de Matadi, de la ville du même nom, à la frontière entre la RDC et l’Angola, doit être amélioré : une ligne de chemin de fer doit pouvoir y passer. En effet, c’est l’un des grands ports du pays, et la porte d’entrée vers l’intérieur de l’immense territoire de la RDC. En plus de cette amélioration, il faudra construire plus de ponts en amont du fleuve, au nord du pays, comme au niveau de la ville de Mbandaka (à la jonction entre l’affluent Roki et le fleuve Congo, non loin de la rencontre entre la rivière Oubangui et le Congo). Les besoins se font également sentir sur l’Oubangui, entre la ville de Zongo en RDC et la ville de Bangui en République centrafricaine (au nord-ouest de la RDC). Un projet a été présenté en 2011 mais la construction se fait attendre. Au nord de la RDC, au niveau de la ville de Bondo sur la rivière de l’Uele, un pont permettrait de compléter la route entre la ville de Bondo et la frontière centrafricaine, une fois que la portion de route de 130 km entre Bondo et la ville de Dulia sera réhabilitée.

A ce système de ponts, l’équipement immédiat du territoire en transports ferroviaires modernes complétera le dispositif de désenclavement de la RDC, tant vis-à-vis de ces voisins qu’entre les provinces de son territoire. Le projet prioritaire est la création d’une boucle intérieure au pays partant de Kinshasa. Le trajet sera d’une longueur totale d’approximativement 5 000 km et constitue une véritable plateforme de décollage pour l’économie du pays. Cette boucle intérieure a été pensée en lien avec les corridors panafricains et intercontinentaux. La boucle proposée passe par les villes suivantes :

– Arc nord-ouest / nord-est : KinshasaBandunduMbandakaBasankusuLisalaBumbaButaBambiliIsiro ;

– Arc nord-est / sud-est : Nia-NiaBuniaButemboBukavuKasongo

– Arc sud-est / sud-ouest : Mbuji-MayiKanaga ;

– Arc sud-ouest / est de Kinshasa : IleboBandundu ;

A cette boucle, un axe nord-sud en deux parties, traversant l’arc nord-est sud-est complétera le dispositif : ButaKisanganiKasongo, puis reprenant vers le sud à partir de la ville de Mbuji-Mayi, vers Lubumbashi, la « capitale du cuivre ».

Le projet Lumumba 2050 est un ensemble de projets de développement intégré : eau, électricité, transport urbain et interrégional, fret, communication. C’est dans ce cadre que le système de ponts et la boucle ferroviaire intérieur sont pensés. Le projet Lumumba 2050 se base sur une étude complète et détaillée, réalisée aux Etats-Unis, et présentée au gouvernement congolais en 2010, par Hal B.H Cooper de la Cooper Consulting Company et Thomas P. Fuller du groupe M.A.I.S Environmental. Le transport fluvial, routier et ferroviaire à l’intérieur sera ainsi connecté aux corridors de développement du continent et inter-continentaux. Trois axes permettent de se figurer un tableau d’ensemble :

1- MatadiLubumbashi : Le corridor de développement MatadiLubumbashi aura une distance totale de 2 500 km et permettra de traverser l’ensemble du pays par le sud. Il existe déjà une voie de chemin de fer entre Matadi et Kinshasa (300 km), puis entre Ilebo et Sakania (1 600 km), mais en fort mauvais état. Avec la remise à niveau du réseau existant, les 600 km qui manquent aujourd’hui entre Kinshasa et Ilebo sont donc une priorité absolue, et seront construits le long de la rivière Kasaï.

Ce corridor de développement ouvrira les portes d’un marché intérieur pour la production faite dans la province du Katanga. En effet, en plus de riches gisements de cobalt, cuivre, fer, radium, uranium, et diamant, la province compte de nombreuses fermes d’élevage et d’agriculture. Par la suite, on pourrait prolonger ce corridor vers la Zambie (vers Lusaka, la capitale), puis vers le Zimbabwe (vers Harare, la capitale) et enfin accéder aux ports du Mozambique pour atteindre l’océan Indien, en créant ainsi un corridor de développement moderne long de plus de 4 000 km, entre le port de Matadi en RDC et le port de Beira au Mozambique.

2- MatadiBangui : La liaison KinshasaBangui (Centrafrique) passant par BandunduMbandakaZongoBangui permettra le désenclavement de l’Afrique centrale, en reliant la RDC à la Centrafrique puis allant vers N’Djamena au Tchad. Elle jouera un rôle fondamental dans l’immédiat et dans le futur de l’Afrique. Ce corridor sera d’environ 2 000 km et permettra de réaliser un peu moins d’un quart du projet de transport pharaonique panafricain qui relie le nord au sud, de Tripoli au Cap.

Par la suite, il sera possible de prolonger cette route vers le sud, en Angola ; celle-ci partirait de Kinshasa, rejoindrait Luanda (capitale de l’Angola), puis continuerait vers la Namibie, en traversant la capitale Windhoek, avant d’arriver en Afrique du Sud.

3- MatadiBukavu : Ce corridor, d’environ 1 300 km, aura un rôle politique de première importance, celui de se substituer aux génocides, massacres et viols qui ont lieu sans nombre encore aujourd’hui dans l’est de la République Démocratique du Congo, et ce, depuis la généralisation des conflits dans la région des grands lacs (région dont le sol attise les grands appétits des grandes multinationales, par le trésor des multiples ressources qu’elle recèle). Un proverbe dit que « Dieu y créa le monde, y laissant tout son matériel ».

C’est par la mise en place de ces infrastructures économiques de base que pourra enfin s’élever au cœur de l’Afrique une nouvelle espérance pour les générations à naître.

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